Les basidiomycoses.

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Sommes-nous en danger lorsque nous sentons les champignons pour les identifier?

par Guy Fortin avec la collaboration de Johanne Paquin.


 

Les Aspergillus sont des champignons filamenteux, de type moisissure. La photo montre un Aspergillus, présumément Aspergillus fumigatus, un pathogène dangereux pour l’homme. Source : Wikimedia Commons

La plupart des mycologues amateurs savent que les champignons microscopiques peuvent causer des maladies. Les effets du Candida ou de l’Aspergillus sont bien connus. Les dermatomycoses, ces infections de la peau causées par des champignons, comme le très fréquent Pityriasis versicolor, sont aussi bien connues. Mais combien savent que même les champignons macroscopiques comme les basidiomycètes peuvent infecter les humains?

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Coprinellus micaceus / Coprin micacé

En général, les effets des champignons sur la santé sont rapportés dans des revues médicales et passent inaperçus des mycologues. Quelques articles récents décrivent des basidiomycoses, des infections fongiques chez l’humain causées par des champignons basidiomycètes. Ces infections sont principalement dues au Schizophyllum commune, mais aussi à certains Coprinellus. Ces champignons causent surtout des sinusites et des maladies broncho-pulmonaires, mais aussi des onychomycoses, des kératites, des abcès cérébraux. Un résumé de quelques-unes de ces études de cas est présenté et commenté.

Kern et Uecker [1] font état de quelques cas de basidiomycoses rapportés dans la littérature médicale, en particulier d’un cas d’onychomycose, causé par S. commune et rapporté en 1950.

Ce cas serait le premier cas de basidiomycose publié.

Ils publient ensuite le cas d’une femme de 30 ans chez qui, en 1983, on a diagnostiqué une sinusite chronique causée par S. commune et le cas d’une femme de 75 ans souffrant d’une sinusite maxillaire causée par le même champignon.

Les auteurs concluent qu’à la lumière des recherches antérieures et des 2 cas qu’ils rapportent, le S. commune doit être soupçonné en présence d’une infection dans la sphère O.R.L. (oto-rhino-laryngologie). Ils énumèrent quelques autres basidiomycètes identifiés comme étant la cause d’infections chez l’humain, dont Coprinellus micaceus et Coprinellus cinereus.

Ils suggèrent que l’inhalation est probablement le mode usuel de contamination. Les cas d’infection chez l’humain sont possiblement favorisés par un état immunologique déprimé par les antibiotiques ou une corticothérapie, ou par une maladie débilitante sous-jacente, comme le diabète. Ils avancent qu’à l’avenir les basidiomycètes devraient être considérés comme des pathogènes opportunistes potentiels.

Lacaz et coll. [2] ont fait une révision de la littérature médicale concernant les basidiomycoses. Ces infections sont rapportées de plus en plus fréquemment dans cette littérature médicale depuis l’apparition du sida en 1991. Les spores de ces champignons, les basidiospores, sont transportées par le vent et pénètrent par les voies nasales causant la plupart du temps, des signes et symptômes de sinusite chronique.

Ustilago maydis / Charbon du maïs
Ustilago maydis est l’agent pathogène causant le charbon du maïs.
PHOTO : Jean Choinière

Après avoir résumé la classification des basidiomycètes et énuméré les champignons comestibles et toxiques, les auteurs décrivent les différentes intoxications par les champignons, le mycétisme. Ils révisent et résument ensuite plusieurs articles médicaux parus entre 1946 et 1995 qui rapportent des cas de basidiomycoses causées par les basidiomycètes Schizophyllum commune, Ustilago maydis (= Ustilago zeae) et Coprinellus cinereus.

Rihs et coll. [3] ont décrit la première infection pulmonaire bien documentée, causée par Schizophyllum commune chez un homme de 58 ans sous corticothérapie. L’infection pulmonaire s’est étendue au cerveau et le patient est décédé de septicémie. La résonnance magnétique a révélé des masses annelées. L’examen cytologique du tissu pulmonaire et du cerveau a montré des hyphes hyalines, septées, ramifiées et avec anses d’anastomoses. Des basidiomes flabelliformes caractéristiques du S. commune sont apparus dans les cultures du tissu pulmonaire.

Plus récemment, Sa et coll. [4] présentent un cas d’infection sino-orbitale chez une femme immunocompétente qui s’est présentée avec une sinusite maxillaire et une tumeur sous-orbitale. L’identification du Schizophyllum commune a été faite par le séquençage de l’rARN.

Schizophyllum commune / Schizophylle commun
Schizophyllum commune / Schizophylle commun
PHOTO : Fernand Therrien

Chowhary et coll. [5] révisent des cas d’infections humaines associées au S. commune et rapportent un cas de mycose broncho-pulmonaire allergique, « allergic broncho-pulmonary mycosis » et un cas de mycétome pulmonaire, « pulmonary fungal ball », causés par le S. commune. Au moment de la publication de leur article, en 2012, 71 cas d’infections humaines dues au S. commune, avaient été rapportés dans le monde. Quatre-vingt-quatorze pour cent (94 %) de ces cas étaient des cas de sinusites ou d’infections broncho-pulmonaires, suggérant que le tractus respiratoire est la principale cible du champignon. De plus, 46% de ces cas avaient été diagnostiqués au Japon, démontrant, selon les auteurs, une plus grande sensibilisation des cliniciens et des laboratoires de ce pays à ce type d’infection, plutôt que des facteurs géographiques ou climatiques favorables aux infections. Les auteurs croient que la morbidité des infections à S. commune est actuellement sous-estimée et que d’autres études sont nécessaires pour connaître sa prévalence.

Saha, S. et coll. [6], présentent un cas (le premier selon les auteurs) de kératite causé pas S. commune. L’examen des tissus obtenus par grattage de l’ulcère cornéen a montré des filaments fongiques et le champignon a été identifié par analyse de l’ADN. Les auteurs remarquent que le traitement de ces cas est difficile et que des procédures chirurgicales peuvent être nécessaires.

Selon Hoenigl et coll. [7], le S. commune apparaît de plus en plus comme étant une importante cause de sinusite chronique. Malgré sa distribution mondiale et sa prévalence, cette espèce est rarement rapportée comme étant la cause d’infections humaines autres que la sinusite. L’auteur rapporte le deuxième cas d’abcès cérébral causé par S. commune, mais à la différence du premier cas, rapporté par Rihs [3], celui-ci est survenu chez un patient immunocompétent. En 2001, le groupe de travail de l’auteur a développé une méthode d’identification du S. commune basée sur l’ADN. Dans les 3 ans qui suivirent, 12 isolats de S. commune furent trouvés chez des patients atteints de sinusite chronique. En comparaison, pendant les cinquante ans qui ont précédé la mise au point de cette méthode d’identification, seulement 16 cas de maladies humaines causées par S. commune avaient été rapportés. Comme le cas décrit est survenu chez un patient immunocompétent, les auteurs suggèrent que la pathogénie du S. commune peut être plus élevée que ce qu’on croyait jusqu’à maintenant. De plus, ils suggèrent que le nombre d’infections causées par le S. commune est probablement sous-estimé à cause des limites de plusieurs laboratoires dans l’identification de ce champignon.


Sigler et coll. [8] rapportent un cas de sinusite maxillaire chez une femme diabétique causée par le S. commune. L’identification a été difficile, mais des basidiomes flabelliformes typiques du S. commune sont apparus sur des cultures et l’identification a été confirmée par la présence de spicules sur les hyphes et la compatibilité avec des isolats connus.

'Schizophyllum commune/ Schizophylle commun'
Schizophyllum commune/ Schizophylle commun
PHOTO : Jacques Landry

Qu’est-ce qui rend le S. commune potentiellement dangereux pour l’homme?

On considérait jusqu’à maintenant, peut-être à tort, que les infections à S. commune étaient surtout rattachées aux souches asiatiques [5]. Le Schizophyllum commune pousse sous toutes les latitudes. Il en existe 3 grands groupes [9] qui se différencient génétiquement, mais qui sont sexuellement compatibles. Ce sont les groupes nord-américain, sud-américain et le groupe oriental qui comprend les spécimens d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Des spécimens provenant de chacun de ces groupes pourraient maintenant se retrouver un peu partout sur la planète à cause des importants mouvements de population récents.

Un autre facteur important à considérer est la température de croissance d’un champignon.

De façon générale, ceux-ci peuvent être classés en fonction de leur tolérance à la température [10, 11]. Ce classement détermine trois groupes, plus ou moins bien définis, parce qu’ils se chevauchent et qu’il n’y a pas de consensus sur leur frontière. Ce sont les psychrophiles, les mésophiles et les thermophiles.

  • Les psychrophiles croissent sous les 5 °C, mais peuvent aussi avoir une température de croissance optimale semblable aux mésophiles. Plusieurs champignons qui endommagent la nourriture dans les chambres froides appartiennent à ce groupe.
  • Les mésophiles ne croissent pas à des températures basses ou à des températures supérieures à 45 °C. Leur température de croissance optimale se situe généralement entre 25 °C et 37 °C. La grande majorité des champignons appartiennent à ce groupe.
  • Les thermophiles peuvent croître à des températures élevées, entre 45 °C et 75 °C, avec une température optimale entre 55 °C et 65 °C. Ils peuvent aussi avoir une légère croissance au-dessous de 40 °C, mais les vrais thermophiles ne pourraient survivre sous les 20 °C.

S. commune est un champignon mésophile. Sa température de croissance optimale se situe vers 35 °C, c’est-à-dire près de la température corporelle des mammifères (~37 °C, pour l’humain), il peut donc, s’il y arrive, se développer à l’intérieur des cavités du corps humain, comme les sinus et les poumons.

Discussion et recommandations

Notre environnement, l’air que nous respirons, contient de nombreux contaminants, parmi lesquels on retrouve des spores, des moisissures, des pollens, des bactéries, etc., en quantité plus ou moins grande selon la saison. Notre organisme possède des mécanismes de défense naturels contre ces microorganismes et nous sommes rarement infectés. Les situations qui rendent notre organisme plus vulnérable se présentent lorsque notre système immunitaire est déprimé ou en situation de surexposition importante.

Des données scientifiques récentes suggèrent que les basidiomycoses seraient sous-diagnostiquées et plus fréquentes qu’on le croit généralement. Les basidiospores le plus souvent impliquées seraient celles du Schizophyllum commune et la principale voie d’entrée de l’organisme serait le tractus respiratoire. Un diagnostic précis serait aussi difficile à déterminer.

Les mycologues amateurs qui cueillent et identifient des champignons potentiellement pathogènes, en particulier le S. commune, mais aussi d’autres basidiomycètes reconnus comme tel, comme Ustilago maydis (= Ustilago zeae), Coprinellus cinereus ou Coprinellus micaceus, devraient peut-être agir avec précaution lorsqu’ils les manipulent. Il serait prudent d’éviter de les sentir de trop près, surtout au niveau de l’hyménium, et de le faire le moins souvent possible, pour éviter une situation de surexposition aux spores.

N.B. Cet article s’appuie sur une révision non exhaustive de la littérature médicale actuellement disponible, rapportant des cas de basidiomycoses.

Références

[1] Kern, M.E. et Uecker, F.A. (1986). Maxillary Sinus Infection Caused by the Homobasidiomycetous Fungus Schizophyllum communeJ Clin Microbiol. 23: 1001-1005.

[2] Lacaz, C. da S., Heins-Vaccari, E.M., De Melo, N.T. et Hernandez-Arriagada, G.L. (1996). Basidiomycosis: a review of the literature. Rev. Inst. Med. Trop. Sao Paulo. 38: 379-90.

[3] Rihs, J.D., Padhye, A.A. et God. C.B. (1996). Brain abscess caused by Schysophyllum commune: an emerging basidiomycete pathogen. J Clin Microbiol. 34: 1628-1632.

[4] Sa, H.S.Ko, K.S.Woo, K.I.Peck, K.R., et Kim, Y.D. (2012). A case of sino-orbital infection caused by the Schizophyllum communeDiagn Microbiol Infect Dis. 73: 376-377.

[5] Chowdhary,  A., Randhawa, H.S., Gaur, S.N., Agarwal, K., Kathuria, S., Roy, P., Klaassen, C.H. et Meis, J.F. (2012). Schizophyllum commune as an emerging fungal pathogen: a review and report of two cases. Mycoses. 56: 1-10.

[6] Suman, S., Jayangshu, S., Debdulal, B., Archana, K., Santi Mohan, M. (2013). Schizophyllum commune: A New Organism in Eye Infection. Mycopathologia, 175:  357-360.

[7] Hoenigl, M., Aspeck, E., Valentin, T., Heiling, B., Seeber, K., Krause, R., Stammberger, H., Beham, A. et  Buzina, W. (2013). Sinusitis and frontal brain abscess in a diabetic patient caused by the basidiomycete Schizophyllum commune: case report and review of the literature. Mycoses,  56: 389-93.

[8] Sigler, L., Bartley, J.R., Parr, D.H. et Morris, A.J. (1999). Maxillary Sinusitis Caused by Medusoid Form of Schizophyllum commune. J. Clin. Microbiol. 37: 3395.

[9] Vellinga, E. (2013). Split Gill – Schizophyllum commune. Mycena News. The Mycological Society of San Francisco • May 2013, vol. 64:09 http://www.mssf.org/mycena-news/pdf/1305mn.pdf

[10] Ridley. G. (2012). Coprinus and the compost bin. Spores, moulds, and fungi. A natural history of mushrooms and other fungi in New Zealand.  https://sporesmouldsandfungi.wordpress.com/2012/05/

[11] Imtiaj, A.Jayasinghe, C.Lee, G.W.Kim, H.Y.Shim, M.J.Rho, H.S.Lee, H.S.Hur, H.Lee, M.W.Lee, U.Y. et Lee, T.S. (2008). Physicochemical Requirement for the Vegetative Growth of Schizophyllum commune Collected from Different Ecological Origins. Mycobiology 36: 34-39.

Nos remerciements à Roland Labbé et Jacques Landry pour leur lecture critique, et à Jean Choinière, Jacques Landry et Fernand Therrien pour la permission d’utiliser leurs photos.

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3 Responses

  1. chevallet maryse

    bojour , apres prelevement ,je suis porteuse dans oreille d un aspergillus lichtheimia corymbifera, tres peu de cas je souffre depuis l enfance problèmes jai eu un evidement a l age de 2o ans , j ai 62 ans .je serais heureuse de connaitre les memes cas .merci

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