Vol au-dessus d’un nid de basides

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Petite capsule « Microscopie »

En microscopie optique, les principales structures des champignons à observer sont : le pileipellis (le chapeau), le stipitipellis (le cortex du pied), les voiles, la trame lamellaire, l’arête lamellaire et l’hyménium sur lequel on observe principalement les basides et les cystides. Il y a aussi plusieurs façons et techniques pour observer ces structures.

Pour plus d’informations sur les coupes en microscopie des champignons, j’ai publié dans le Boletin de mai 2020, volume 67 numéro 2, un article qui décrit et illustre les principales coupes à faire.

En plus des coupes, il y a une autre façon d’observer certaines structures des champignons. C’est une observation en plongée d’une lame. Il s’agit simplement de déposer une lame de champignon sur une lame porte-objet, de la recouvrir d’une lamelle et de l’observer à divers grossissements avec ou sans coloration.

Cette technique, bien que peu utilisée, peut donner beaucoup d’informations sur certaines structures du champignon. On peut observer la présence ou l’absence de pleurocystides, leur distribution et leur densité, l’apex des basides avec leurs stérigmates de même que des spores matures et immatures ainsi que la structure hyméniale de la lame, par exemple celle des coprins, appelée « structure hyméniale coprinoïde ».

La coupe transversale d’une lame, qui est très fréquemment utilisée, est souvent difficile d’interprétation, soit parce que les structures sont trop petites ou que la coupe est trop épaisse ou que les structures se chevauchent les rendant difficiles à observer, etc.

Une vue en plongée peut alors s’avérer très utile pour compléter les informations tirées de la coupe transversale.

Les photos qui suivent sont des vues en plongée d’une lame de divers champignons, accompagnées d’une coupe transversale.  Elles ont toutes été obtenues à l’aide d’un logiciel d’« empilement de mises au point » (Focus Staking) Elles illustrent l’utilité de faire une vue en plongée en complément de la coupe transversale.

Conocybe apala

Les résultats obtenus avec Conocybe apala sont montrés aux figures 1 à 4. La figure 1 représente une coupe transversale d’une lame du Conocybe. On peut y observer des basides et des basidioles de même que des pseudoparaphyses. Les pseudoparaphyses sont des cellules stériles qui entourent et éloignent les basides l’une de l’autre permettant une libération des spores plus efficace (Clémençon 2012). Les pseudoparaphyses peuvent s’appeler de plusieurs façons comme brachybasidioles, brachycystides, etc.. À ce sujet, voir la note à la fin du texte. Dans ce texte, le terme « pseudoparaphyse » sera utilisé.

Figure 1. Coupe transversale d’une lame de Conocybe apala.

Les figure 2 et la figure 3 montrent des vues en plongée d’une lame de ce même Conocybe. On peut y observer une structure hyméniale coprinoïde. Celle-ci consiste en une disposition de basides entourées de pseudoparaphyses. Cette structure ne peut pas être observée sur une coupe transversale et nécessite une vue en plongée pour être vue. À la figure 3, on voit des spores en formation à l’apex des basides. On remarque que les basides sont tétrasporées.

Une vue en plongée sur un spécimen plus mature nous permet d’observer l’apex de plusieurs basides dont les spores se sont éjectées (figure 4). Après l’éjection de la spore, un bouchon muqueux, prenant le colorant, obstrue l’extrémité du stérigmate. Il est également facile de constater que les basides sont tétrasporées. La flèche pointe vers un stérigmate obstrué.

Figure 2. Vue en plongée d’une lame de Conocybe apala illustrant la structure coprinoïde de l’hyménium. Dans les cercles bleus, on peut voir l’apex de basides entourées d’un certain nombre de pseudoparaphyses.
Fig.3. Vue en plongée d’une lame de Conocybe apala montrant des spores en formation à l’apex de basides.
Fig. 4. Vue en plongée d’une lame d’un spécimen mature de Conocybe apala montrant plusieurs basides dont les spores se sont éjectées. Après l’éjection de la spore, un bouchon muqueux, prenant le colorant, obstrue l’extrémité du stérigmate. La flèche pointe vers un stérigmate obstrué.

Stropharia hornemannii

La figure 5 est une coupe transversale d’une lame de Stropharia hornemannii. On y observe des hyphes cylindriques de la trame lamellaire qui sont bouclées, une pleurocystide, des basidioles et une baside tétrasporée. La flèche pointe vers une hyphe bouclée de la trame lamellaire. Une vue en plongée de la lame du même spécimen nous montre des spores attachées aux stérigmates à l’apex des basides (figure 6).

Figure 5. Coupe transversale d’une lame de Stropharia hornemannii. La flèche pointe vers une hyphe bouclée de la trame lamellaire.
Fig-6. Vue en plongée d’une lame de Stropharia hornemannii. Spores encore attachées aux stérigmates

Coprinopsis atramentaria

Sur la figure 7 on voit sur une coupe transversale la trame lamellaire d’un Coprinopsis atramentaria. On observe facilement des basides avec des stérigmates auxquels sont encore attachées des spores, de même que des pseudoparaphyses turgescentes qui séparent les basides. Une vue en plongée montre la structure coprinoïde de l’hyménium (figure 8). On observe l’apex de nombreuses basides avec les stérigmates et les spores en formation.

Figure 7. Coupe transversale d’une lame de Coprinopsis atramentaria. Trame lamellaire
Figure 8. Vue en plongée d’une lame de Coprinopsis atramentaria. Structure coprinoïde de l’hyménium avec basides, stérigmates et spores en formation

Paxillus involutus

Sur une coupe transversale montrant la trame lamellaire d’un Paxillus involutus, les basides sont difficilement discernables, mais on voit très bien les grandes pleurocystides s’élever au‑dessus de la surface hyméniale (figure 9). La vue en plongée montre bien les spores en formation attachées aux longs stérigmates des basides (figure 10). Avec cette vue, les grandes pleurocystides sont couchées, « écrasées » sous le poids de la lamelle.

Figure 9. Coupe transversale d’une lame de Paxillus involutus montrant la trame lamellaire et l’hyménium. Les flèches montrent quelques grandes pleurocystides s’élevant au‑dessus de la surface hyméniale
Figure 10. Vue en plongée d’une lame de Paxillus involutus. Basides tétrasporées et pleurocystides.

Laccaria ochropurpurea

La figure 11 montre, sur une coupe transversale d’une lame d’une Laccaria ochropurpurea, une section d’hyménium avec des basidioles et une baside tétrasporée. Une vue en plongée des spores, stérigmates et apex de basides  est présentée à la figure 12 et la figure 13 .

Figure 11. Coupe transversale d’une lame de Laccaria ochropurpurea. Hyménium.
Figure 12. Vue en plongée d’une lame de Laccaria ochropurpurea. Basides tétrasporées.
Figure 13. Vue en plongée d’une lame de Laccaria ochropurpurea. Basides tétrasporées.

Note tirée de Clémençon (2012) :

Les cellules stériles qui entourent les basides dans une structure coprinoïde sont de courts articles stériles, fortement turgescents, disposés en une seule couche continue qui rappelle un pavé. On les retrouve dans les genres Coprinus, Coprinopsis, Coprinellus, Bolbitius, Leucocoprinus et chez certaines espèces de Conocybe. Ces articles portent plusieurs noms comme paraphyses, brachybasidioles, brachycystides et pseudoparaphyses.

Clémençon (2012) considère tous ces termes comme inappropriés et suggère le terme « physalides hyméniales ».

Les physalides hyméniales ont été appelées paraphyses par Buller (1924), brachybasidioles par Smith (1966), brachycystides par Watling (1982) et pseudoparaphyses par Singer (1986).

Ces termes sont inappropriés parce que le terme paraphyse devrait être réservé aux Ascomycetes. Le terme pseudoparaphyse est un ancien terme pour les hyphidies. Les termes brachybasidiole (littéralement basidiole courte) et brachycystide sont trompeurs, puisque les physalides hyméniales ne sont ni des basidioles ni des cystides.

Références

  • Buller, A.H.R., (1924). Researches on Fungi. vol. Ill. Longmans, Green & Comp. London.
  • Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer
  • Singer, R., (1986). The Agaricales in Modern Taxonomy. ed. 4, Koeltz Scientific Books, Koenigstein.
  • Smith, A.H., (1966). The hyphal structure of the basidiocarp. In: G. C. Ainsworth & A. S. Sussman (ed.) : The Fungi. An advanced treatise. Vol. 11. Academic Press, New York. pp. 151 -177
  • Walling. R., (1982). British Fungus Flora. Agarics and Boleti. 3: Bolbitiaceae. – Roy. Bot. Gard. Edinburgh.
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