Clé des anamorphes avec sporodochie ou synnema présents ou potentiellement présents au Québec

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par Jonathan Mack

avec l’aide de Roland Labbé pour la correction et la révision.


La grande majorité des champignons visibles à l’oeil nu et le plus souvent rencontrés, comme les bolets ou les agarics, sont téléomorphes, un terme qui décrit la forme ou stade sexué du champignon se reproduisant par la production de spores. Les spores portent le bagage génétique de deux parents suite à des divisions méiotiques. Beaucoup de champignons, cependant, peuvent également existé sous la forme d’anamorphe, un stade asexué conduisant à la production de conidies, genre de spores ne portant le bagage génétique que d’un seul parent, résultat de divisions mitotiques. Ces conidies sont ainsi dites mitosporiques, quoique pouvant aussi être sclérotiales.

L’étude des anamorphes est difficile. Non seulement, ils sont souvent très petits, à la limite de la visibilité à l’oeil nu, mais ils sont également d’une extrême complexité et l’identification requiert une bonne connaissance de leur ultrastructure, visible qu’au microscope. Trichoderma et Penicillium sont des anamorphes bien connus. Souvent l’anamorphe ressemble peu au téléomorphe de sorte que dans plusieurs cas, ce n’est que le séquençage de leur génome qui a pu établir la correspondance entre les formes téléomorphes et anamorphes d’une même espèce [par ex. : Trichoderma (anamorphe) versus Hypocrea (téléomorphe)].

Cet article présente une clé des genres d’anamorphes les plus susceptibles d’être retrouvés au Québec à cause de leur taille et de leur couleur particulière. Pour utiliser cette clé d’identification, il faut connaître l’habitat ou le substrat (insectes, bois, feuilles, etc. ), la couleur (pâle, blanche, foncée, etc.) le port (pied présent ou absent, etc.) et la texture (gélatineuse, sèche, etc.). Cette clé n’identifie que les genres et ne prend pas compte des espèces. Je me base surtout sur l’espèce type et il est très possible que vous n’arriviez pas à une identification. Il est aussi possible de trouver des genres non décrits dans cette clé ou même des genres inconnus de la science. Cette clé ne prend pas vraiment en compte les dimensions des structures, mais ces dernières devraient quand même toutes être mesurées pour en arriver à l’identification d’espèce.

Un examen microscopique de la structure de ces champignons est nécessaire afin d’utiliser cette clé. De plus, elle requiert une connaissance précise de plusieurs termes techniques décrivant ces structures. Commençons d’abord par définir et illustrer ces termes.

 

Hyphe

C’est la structure en long filament qui compose les champignons. Les conidies s’y forment de plusieurs façons. Elle représente la forme végétative des champignons et est microscopique.

 

Mycelium vue au microscope a dissection Jonathan Mack, 2014
Mycélium vu au microscope à dissection. Chaque petit filament correspond à une hyphe
Jonathan Mack, 2014

 

Deux structures (conidiomes) importantes servant pour les clés

Sporodochie

C’est une structure d’un anamorphe, fortement concentrée en une masse ayant souvent l’aspect d’une pustule ou parfois d’une coupe rappelant les pézizes. Elle prend des couleurs variées et est souvent assez petite (moins que 1 cm), mais peut souvent être perçue à l’oeil nu. Les sporodochies ne possèdent jamais de pied.

Exemple :  Bactridium, Leucogloea et Tubercularia.

 

Sporodochies de Leucogloea compressaJonathan Mack, 2010
Sporodochies de Leucogloea compressa
Jonathan Mack, 2010

 

Synnema

C’est la structure d’un anamorphe formée d’un pied ayant un nombre élevé d’hyphes. Leur taille est variée et la couleur du pied n’est pas forcément la même que la couleur de la tête. La tête peut être peu définie et parfois les conidies se forment directement sur le pied. Le terme corémie est un synonyme.

Exemple : Blistum (Polycephalomyces) et Crinula

 

Synnema de Stilbella annulataJonathan Mack, 2013
Synnema de Stilbella annulata
Jonathan Mack, 2013

 

Cas des bulbilles

 

Les bulbilles sont des structures complexes pouvant passer pour des sporodochies, mais qui correspondent plutôt à un mode spécialisé de reproduction. Les bulbilles ressemblent à de grosses conidies composées de nombreuses cellules. Certaines espèces peuvent produire des conidies complexes ressemblant à des bulbilles. Cette clé donne deux espèces produisant des bulbilles dans un sporodochie.

Exemple : Aegerita candida

Bulbilles de Minimedusa en culture intérieure
Jonathan Mack, 2013

 

 

Septum

 

Cloison qui peut se retrouver dans des conidies. Leur nombre est un critère d’identification. Les septa se retrouvent aussi sur les hyphes des Dikarya (ascomycètes et basidiomycètes). Ils sont souvent absents chez les zygomycètes. Ces derniers peuvent ressembler à des anamorphes et l’absence de septa devient donc alors un critère d’identification en cas de doute.

sporidesmium
Septa nombreux dans des conidies de Sporidesmium
Jonathan Mack, 2013

 

 

septum
Septa sur une hyphe
Jonathan Mack, 2014

 

 

Boucle

 

C’est une structure spécialisée présente chez de nombreux basidiomycètes, téléomorphes ou anamorphes. Il s’agit d’une structure latérale qui réunit deux cellules adjacentes d’hyphes au niveau de leurs septa. Leur présence ou leur absence peut être un critère d’identification. Elle est toujours absente chez les ascomycètes.

 

 

Boucle du téléomorphe Exidiopsis sp. Jonathan Mack, 2013
Boucle du téléomorphe Exidiopsis sp.
Jonathan Mack, 2013

 

Conidie

C’est l’élément reproducteur principal des anamorphes, équivalent d’une spore chez les téléomorphes. Elles peuvent être de formes très diverses.

 

Quelques types de conidies. Jonathan Mack et Keith Seifert, 2013
Quelques types de conidies.
Jonathan Mack et Keith Seifert, 2013

 

 

Conidiophore

Hyphe spécialisée, simple ou ramifiée, portant les conidies ou les cellules conidiogénèses, telles que phialides et annellides. 

Conidiophores de Cylindrotrichum sp. Notez la présence d'une jeune conidie sur celui de gauche
Conidiophores de Cylindrotrichum sp. Notez la présence d’une jeune conidie sur celui de gauche
Jonathan Mack, 2014

 

 

Collerette

C’est la structure parfois retrouvée à l’apex de certains conidiophores, ressemblant à une petite ouverture de forme cylindrique ou en entonnoir recouvrant totalement ou en partie la ou les conidie(s). Les collerettes sont souvent difficiles à préciser, même à fort grossissement.

 

Collerette avec conidie interne, typique de Chalara
Jonathan Mack, 2013

 

Modes de reproduction asexuée :

Type de reproduction non précédée ni suivie de méiose, produite communément par les champignons impliquant souvent des mitospores, telles que conidies ou sporangiospores.

 

A) Reproduction thallique :

C’est le mode de reproduction par fragmentation directe des hyphes sans conidiophores. La fragmentation se produit à leurs septa.

Exemple : Postia ptychogaster

Conidies thalliques en formation sur des hyphes Jonathan Mack et Keith Seifert, 2013
Conidies thalliques en formation sur des hyphes
Jonathan Mack et Keith Seifert, 2013

 

B) Reproduction blastique :

 

C’est le mode de reproduction des conidies dérivé du bourgeonnement, avec élargissement marqué et reconnaissable de la conidie initiale avant qu’elle ne soit délimitée par un septum.

1. Phialide :

La phialide est souvent représentée par des ramifications ± en forme de main ou de pinceau parfois présente au sommet des conidiophores. Dans ce cas les conidies sont formées à l’apex des phialides.

 

penicilium
Phialide et conidies en chaine d’un Penicillium
Jonathan Mack et Keith seifert, 2013

 

2. Annellide 

Les annellides sont des structures en forme d’anneau parfois présentes sur les conidiophores. Ces annellides sont formées lorsque les conidies sont relâchées et que le conidiophore continue sa croissance par la suite. Seulement certaines espèces produisent des annellides, qui sont un critère d’identification. Par contre, les anneaux sont souvent difficiles à localiser au microscope optique, même avec de l’huile à immersion.

Annellations de Basidiopycnides albertensisJonathan Mack et Keith Seifert, 2013
Annellations de Basidiopycnides albertensis
Jonathan Mack et Keith Seifert, 2013

 

 Clés de genres sélectionnés des anamorphes au Québec

Cette clé est interactive. Cliquez sur le renvoi à la droite pour descendre directement à la ligne suggérée. Cliquez sur le numéro de la ligne à la gauche pour retourner à l’énoncé précédent. Les genres représentés sur Mycoquébec sont en vert et sont cliquables.

Pour ceux qui aurait des problèmes à visualiser la clé ici, elle est publiée également sur Mycoquébec. Vous pouvez vous rendre en cliquant sur le bouton ci-dessous.

 

Clé des anamorphes

 

 

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