Les morilles du Québec sous enquête

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par Jacques Landry

Renée Lebeuf, une mycologue de la région de Montréal et collaboratrice active de Mycoquébec vient de participer à une vaste étude menée par des chercheurs de France, Suède, Autriche et des États-Unis dirigés par Régis Courtecuisse et Pierre Arthur Moreau de l’Université Lille Nord de France. Cette étude qui sera publiée sous peu dans la revue Mycologia (1) identifie et baptise six de nos espèces. Un pas de géant pour l’avancement des connaissances dans ce domaine, mais rien pour simplifier la vie des cueilleurs et mycologues de terrain.

Tous les cueilleurs de morilles savent que les morilles noires tout comme les blondes existent sous différentes formes et se rencontrent dans différents environnements. On en trouve, entre autres, sous les ormes mourant, sous les peupliers, dans le sable, dans le paillis, sur le sol des forêts brulés. Elles sont petites, grandes, élancées ou trapues, blondes ou noires. Cette diversité de formes et d’habitats reflète-t-elle une diversité d’espèces ou une grande flexibilité dans la capacité des morilles à s’adapter? Jusqu’à ce jour, nos morilles étaient nommées avec les noms des espèces européennes les plus ressemblantes. Les noires étaient des Morchella elata ou encore M. costata lorsqu’elles poussaient sur du paillis. On savait depuis peu, que celle qui ressemblait à l’Européenne M. semilibera, facilement reconnaissable à son chapeau non attaché au pied sur la moitié de sa longueur, était plutôt l’espèce américaine, M. punctipes. Quant aux blondes, on les nommait tous M. esculenta.

Renée Lebeuf vient de déposer dans la banque de photos de Mycoquébec (visible sur Flickr), des photos de 4 de ces nouvelles espèces de morilles. L’identification de ces collections est certaine puisque ce sont elles qui ont servi dans l’étude à définir les espèces. Ces photos étaient pour la plupart déjà sur le site de Mycoquébec, mais sous un autre nom. On y retrouve donc deux espèces de blondes (précédemment appelée M. esculenta) , M. americana et M. ulmaria ainsi que deux espèces de noires, M. septentrionalis ( préc. M. elata) et M. importuna (préc. M. costata).  Une troisième espèce de noire identifiée pour le Québec au cours de cette étude, M. angusticeps, n’a pas encore de photo. Avec M. punctipes dont nous connaissions déjà l’identité, cela porte à quatre le nombre minimum de morilles noires que nous avons au Québec et à deux le nombre de morilles blondes.

Résultats d’une recherche avec le terme « Morchella » sur mycoquebec.org. Les espèces avec l’extension s.l. seront éventuellement à éliminer. Il n’y a pas de photos de M. angusticeps sur mycoquebec.org

C’est vraiment avec grand enthousiasme que nous recevons les résultats de cette étude. Grâce au travail acharné de mycologues de terrain comme Renée qui a pu fournir des collections bien documentées de nos champignons, nous pourrons désormais nommer avec précision nos morilles.

Enfin, peut-être pas tout de suite. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Ainsi, en ce moment, M. americana et M. ulmaria ne sont pas distinguables, ni sur le terrain ni au microscope. C’est la même situation pour M. septentrionalis et M. angusticeps, quoique dans ce cas il y a un espoir que l’on puisse les distinguer par des caractères morphologiques une fois que nous les connaitrons mieux. Quant à M.importuna, on peut penser qu’elle correspond aux morilles que l’on trouve sur les paillis et dans les jardins (d’où son nom d’ «importune»), mais il faudra le confirmer.

L’étude nous révèle qu’il existe sans doute encore d’autres espèces de morilles à trouver au Québec. Dans l’article de l’équipe internationale, on propose qu’il existe au moins 5 autres espèces (dont deux morilles de feu) à distribution transcontinentale et deux autres de l’est de l’Amérique potentiellement trouvable au Québec.

Pour le moment, Mycoquébec conservera les appellations Morchella elata s.l. et Morchella esculenta s.l. dans l’index pour y classer les quelque 75 photos de morilles noires et blondes accumulées au cours des années. L’abréviation « s.l. » a été ajoutée à ces noms pour signifier qu’il s’agit d’une identification au sens large des taxons M. elata ou M. esculenta.

Il ne sera donc pas possible à court terme de nommer sur le terrain, et même au microscope, ces espèces avec certitude. Alors que dans un récent article sur les Pluteus je terminais en disant « À vos microscopes », cette fois-ci, c’est avec  « À vos séquenceurs » que je devrais terminer puisque ce n’est que l’ADN qui nous permettra d’aller plus loin dans nos capacités d’identification.

Référence.

  1. Richard F, Bellanger J-M, Clowez P, et al (2015) True morels (Morchella, Pezizales) of Europe and North America: evolutionary relationships inferred from multilocus data and a unified taxonomy. Mycologia 107:359–382. doi: 10.3852/14-166

9 Responses

  1. Renée Lebeuf

    Je vous confirme déjà qu’il existe une autre morille noire non décrite trouvée dans la région de Québec sous conifères (pin rouge, épinette, sapin).

  2. Line Ayotte Membre CMAQ

    Désormais, il nous faudra une conférence uniquement sur ces belles blondes, ou noires, ou… à quand les rousses?

  3. Jacques Landry

    Selon les travaux de Richard et al. et aussi Voitk et al. il y aurait au moins 5 blondes et 9 noires au Québec .

    Les voila toutes :

    Clade Esculenta (blondes)

    diminutiva
    sceptriformis
    ulmaria
    prava
    america

    Clade Elata (noires)

    angusticeps
    punctipes
    septentrionalis
    laurentiana
    exima (feu)
    exuberans (feu)
    importuna
    tridentina
    eohespera.

    Voitk A, Beug MW, ODonnell K, Burzynski M (2016) Two new species of true morels from Newfoundland and Labrador: cosmopolitan Morchella eohespera and parochial M. laurentiana. Mycologia 108:31–37. doi: 10.3852/15-149

    Richard F, Bellanger J-M, Clowez P, et al (2015) True morels (Morchella, Pezizales) of Europe and North America: evolutionary relationships inferred from multilocus data and a unified taxonomy. Mycologia 107:359–382. doi: 10.3852/14-166

  4. Patrick Poitras

    Bravo, Renée et tous les autres pour votre super travail! Je revisiterai cet article ce soir!

  5. Loraine yersin

    Je trouve bcoup de fausses morilles la où je vais , jamais des bonnes. Terrain sabloneux. Peut-on quand même la consommer ?? Merci de répondre, Lolo

  6. nourry jp

    je suis actuellement a st Mathieu Mauricie et sur le sable et sous le conifère j’ai trouvai des petites morille rousse

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