Flammulina velutipes

Classé dans : Champignon vedette, Général, Microscopie | 1

Guy Fortin

Autopsie d’une petite flamme

la

Flammulina velutipes

1- Introduction

La Flammulina velutipes est un champignon remarquable par son chapeau de belle couleur jaune orangé à brun roux et à marge plus claire de même que par sa pousse en touffe sur du bois de feuillus. Son pied velouté d’un brun rougeâtre à la base devient jaune à l’apex. On la rencontre occasionnellement du printemps à l’automne et parfois en hiver, lors d’un redoux. Elle serait comestible.

On la confond souvent avec un autre champignon trouvé en épicerie et appelé par son nom japonais enokitaké ou enoki, en réalité, une espèce différente appelée Flammulina filiformis (Wang, P.M., Liu, X.B., Dai, Y.C. et al. (2018)). Voir plus bas pour des informations sur la Flammulina filiformis.

Le champignon étudié ici a été récolté le 5 octobre 2017 dans la région de Yamaska, dans une forêt mixte, sur le tronc, debout, moussu, d’un érable mort. Fig.-1.

Fig.-1. Flammulina velutipes. La Collybie à pied velouté.

Les caractéristiques macroscopiques de la Flammulina velutipes sont bien connues et plusieurs sites en font une description détaillée. Voir les références pour plus d’information à ce sujet.

Ce texte se concentre sur ses caractéristiques microscopiques.

2- La microscopie
L’observation au microscope de la Flammulina velutipes est captivante et nous offre une panoplie de structures aussi originales qu’instructives en plus d’être simplement « belles ». Parmi celles-ci, on observe des piléocystides, des caulocystides, des pleurocystides, des pseudocystides et des cheilocystides en n’oubliant pas, entre autres, un piléipellis et un stipitipellis tout à fait originaux.

La sporée et les spores
La sporée, en tas, est blanche et formée de spores cylindriques à paroi lisse, apiculées et cyanophiles[1]. Fig.-2.

(5,2) 6,9 – 8,0 (9,2) × (2,7) 2,8 – 3,9 (4,0) µm
Q = (1,3) 2,0 – 2,6 (2,8); N = 32
V = (27) 31 – 51 (76) µm3
Me = 7,4 × 3,3 µm ; Qe = 2,3; Ve = 43 µm3

Fig.-2. À gauche : spores observées à 1000x dans l’eau glycérinée. À droite : spores observées dans le bleu coton.

Le chapeau et le piléipellis
Son chapeau collant, visqueux, lisse [Fig.-3], est constitué d’un piléipellis formé d’un épais gélin dans lequel baignent des ixohyphidies, filamenteuses et tortueuses, et des piléocystides. La surface externe est colorée par une pigmentation rougeâtre orangé qui lui donne son aspect caractéristique. Il est recouvert par une généreuse couche de spores provenant en partie de la sporée de spécimens situés juste au-dessus. Fig-4.

Fig.-3. Chapeau collant, visqueux, lisse.
Fig.-4. Piléipellis formé d’ixohyphidies. Il est coloré par une pigmentation rougeâtre orangé et recouvert par le dépôt d’une couche de spores.

En utilisant la méthode de Kits van Waveren[2] on peut éliminer partiellement ou même entièrement la couche de spores déposée sur la surface du chapeau. Voir les Fig-5 et 6 pour une vue du piléipellis après avoir appliqué la méthode de Kits van Waveren.

Fig.-5. Ixohyphidies dans le piléipellis.
Fig.-6. Ixohyphidies dans le piléipellis.

Les piléocystides
Les piléocystides baignent dans la masse de gélin qui forme le piléipellis au travers des nombreuses ixohyphidies.

Elles ont une forme cylindrique, à paroi amincie, sans boucle observée et de diamètre moyen de (2,4) 2,8 – 9,6 (10,3) µm; Me = × 5,6 µm. Fig-7.

Fig.-7. Les piléocystides.

Le pied, le stipitipellis et les caulocystides
Le contexte du stipe est formé d’hyphes cylindriques, bouclées, à paroi amincie, dont le diamètre moyen est 7,3 µm. Fig.-8.

Fig.-8. Contexte du stipe.

Quant au stipitipellis il est formé de très nombreux poils cylindriques, qui donnent cet aspect velouté au pied. Fig.-9.

Fig.-9. Poils à la surface du stipe.

Dans les poils du stipe on observe de très nombreuses caulocystides fusiformes, bouclées à la base, à paroi épaissie. Leur dimension moyenne est de 125,4 × 11,2 µm. Fig.-10.

Fig.-10. Caulocystides.

La face lamellaire
Elle va de la base de la lame à son apex et est formée de la trame lamellaire, du sous-hyménium et de l’hyménium. Fig.-11.

Fig.-11. La face lamellaire.

La trame lamellaire
La trame lamellaire est subparallèle et formée d’hyphes cylindriques bouclées à paroi amincie.
Les hyphes de la médiostrate ont un diamètre moyen de 8,5 µm. Fig.12.
Ce diamètre va en diminuant dans les strates latérales à mesure qu’on approche du sous-hyménium et se réduit jusqu’à 3,5 µm en moyenne.

Fig.-12. La médiostrate de la trame lamellaire. La flèche pointe vers une pleurocystide.

L’hyménium et les basides
L’hyménium est formé par la couche de basides reposant sur le sous-hyménium et produisant les spores. Son épaisseur est égale à la longueur des basides. Fig.-13.

Les basides sont clavées, tétrasporées, bouclées à la base et mesurent en moyenne 30,4 × 3,9 µm. Fig.-14.

Fig.-13. Apperçu de l’hyménium, du sous-hyménium et la trame lamellaire.
Fig.-14. Quelques basides.

Le sous-hyménium
Le sous-hyménium est de type permixtum, formé d’hyphes irrégulièrement entrelacées. Fig.-15.

Fig.-15. Le sous-hyménium permixtum.

Les pleurocystides et les pseudocystides
Sur la face lamellaire, on rencontre quelques très rares pleurocystides cylindriques, à paroi amincie. Leur dimension moyenne est 48,6 × 7,8 µm. On observe aussi quelques pseudocystides. Fig-16, 17 et 18.

Fig.-16. Une grande pleurocystide.
Fig.-17. Quelques pleurocystides.
Fig.-18. Une pseudocystide.

L’arête lamellaire et les cheilocystides
L’arête lamellaire [Fig.-19 et 20] est fertile et, en plus des basides, on y observe des cheilocystides dispersées, à paroi mince, de formes variables, de clavée à globulaire à fusiforme-ventrue à cylindrique.
(24,2) 29,7 – 47,0 (51,9) × (3,7) 6,7 – 21,7 (25,8) µm
Me = 36,8 × 12,8 µm. Fig.-21.

Fig.-19. L’arête lamellaire.
Fig.-20. L’arête lamellaire.
Fig.-21. Quelques cheilocystides.
Fig.-22. La Flammulina velutipes

1- Spores. 2- Basides. 3- Pleurocystides. 4- Piléipellis. 5- Piléocystides. 6- Cheilocystides, 7- Revêtement du stipe. 8- Caulocystides. 9- Pseudocystides.

La Flammulina filiformis
Longtemps considérés comme étant la même espèce, la Flammulina velutipes et le champignon appelé enoki (ou enokitaké), sont, depuis peu reconnus comme étant des espèces différentes. L’enoki étant connu sous le nom de Flammulina filiformis [Wang, P.M., Liu, X.B., Dai, Y.C. et al. (2018)].

L’enokitaké est cultivé au Japon depuis 1969 selon une technique qui permet d’obtenir des champignons avec de longs pieds fins et de petits chapeaux, ayant une texture tendre et une saveur douce qui sont très appréciés et utilisés dans de nombreuses recettes asiatiques

Pour obtenir un allongement du pied et de petits chapeaux à la Flammulina, les Japonais ont trouvé une méthode qui consiste à les cultiver dans un endroit sombre avec une forte concentration de CO2

Ils sont cultivés dans un milieu sombre et clos (en général de la sciure de bois), ne laissant passer qu’un peu de lumière et d’air pour augmenter la concentration de CO2

Glossaire

Caulocystide : cystide située sur le revêtement du pied Cheilocystide : cystide située sur l’arête des lames et des tubes
Cyanophilie : réaction de coloration forte du myxosporium par le bleu coton ou certains autres colorants bleus
Cystide : cellule stérile, de forme et de taille variées, située sur une surface quelconque d’un basidiome
Cystide hyméniale : cystide située dans l’hyménium au côté des basides
Eau glycérinée : solution aqueuse de glycérine pure, à 50 %
Exospore : ensemble des couches externes de la paroi sporale formant le myxosporium
Gélin : tissu translucide et mou, ayant l’apparence de la gelée qui forme une couche mucilagineuse sur les surfaces des champignons dit « gélatinisés ». Lorsqu’on colore le spécimen, le gélin ne prend pas les colorants usuels et reste hyalin contrairement aux hyphes qui y baignent
Gélatinisé : se dit d’un revêtement dont les hyphes sont dispersées dans une substance gélatineuse
Ixohyphidie : élément stérile hyménial ramifié ou non présent dans du gélin
Ixo- : préfixe signifiant collant, visqueux
Myxosporium : ensemble des couches constituant la paroi externe des spores
Permixtum : type de sous-hyménium formé d’hyphes irrégulièrement entrelacées
Pleurocystide : cystide située sur la face des lames
Piléocystide : cystide située sur le revêtement du chapeau
Pseudocystide : cellule terminale en forme de cystide émergeant de l’hyménium

Références
– Association des Mycologues Francophones de Belgique – nombreuses photos macros et micros de la Flammulina velutipes. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Au jardin.info : Collybie à pied velouté. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer
– Fortin, G., Lambert, H., Labbé, R. (2025) La microscopie des hyménomycètes. Québec, Mycoquébec. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– La culture de l’Énoki. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– MycoDB – photos de la Flammulina velutipes. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Mycoquébec. (2024). La Flammulina velutipes. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Sur la cyanophilie. Champignon-passion, Marcel lecomte. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Wang, P.M., Liu, X.B., Dai, Y.C. et al. (2018). Phylogeny and species delimitation of Flammulina: taxonomic status of winter mushroom in East Asia and a new European species identified using an integrated approach. Mycol Progress 17, 1013–1030 (2018). Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Wikipedia – Flammulina filiformis. Lien (Vérifié le 2025-09-17)
– Wikipedia – Flammulina velutipes. Lien (Vérifié le 2025-09-17)

  1. Les spores sont dites cyanophiles lorsque le myxosporium (la couche externe de la paroi) fixe fortement le colorant utilisé (bleu coton ou bleu de crésyl). Pendant la préparation, le colorant diffuse dans le cytoplasme, mais si celui-ci est coloré avec la même intensité que le myxosporium, il s’agit simplement d’une réaction orthochromatique et non cyanophile.

  2. La méthode de Kits van Waveren consiste à recouvrir le fragment d’ammoniaque 10%, d’agiter et d’assécher avec du papier absorbant et de répéter 2 à 3 fois.


  1. Gaëll

    En ce matin brumeux, pluvieux avec bourrasques…Les champignons qui sont encore présents dans les sous bois près des rives océaniques ; nous éblouissent par leurs couleurs vivantes et audacieuses bravant la grisaille. Cet article Guy est arrivé à point dans mon courriel quel délice de se plonger dans la description que dis-je, cette merveilleuse exploration dans toute la microscopie vie de ce champignon flamboyant.

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