La paroi des spores des hyménomycètes observée en microscopie électronique

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Par Guy Fortin

Introduction

La microscopie électronique n’est pas accessible au mycologue amateur. Pourtant elle jette un regard nouveau sur les structures que nous observons au microscope optique et permet, entre autres, de mieux comprendre l’origine et la structure de la paroi sporale, de la structure de la jonction spore-stérigmate et du mécanisme qui produit l’éjection des spores.

Cet article traite de la paroi des spores des hyménomycètes, de leur genèse et de leur formation telles qu’observées en microscopie électronique.

La nomenclature utilisée en microscopie optique pour décrire les structures du myxosporium est difficile à appliquer aux structures observées en microscopie électronique. Une nouvelle terminologie a été proposée, basée exclusivement sur ​​les observations faites en microscopie électronique par Clémençon (1970, 1986b), Besson (1972) et Keller (1974). Ce qui suit en est une description simplifiée accompagnée de quelques exemples sous forme de croquis.

Le stérigmate

À l’apex de la baside apparaît une déformation provoquée par la croissance d’un stérigmate. Pendant la croissance, une nouvelle couche se forme entre les couches interne et externe de la paroi de la baside. Ensuite, l’enveloppe mucilagineuse et la couche externe de la paroi de la baside sont perforées. Le stérigmate, dont la paroi se trouve formée par la couche interne de la baside et la couche nouvellement formée, se développe au travers de cette perforation. La paroi du stérigmate est, de ce fait, différente de la paroi des hyphes et des basides (figure 1).

Figure 1. Croissance du stérigmate. En vert, le cytoplasme.

L’apophyse

Avec la croissance du stérigmate, un bourgeonnement sphérique appelé apophyse apparaît à son apex. D’abord placée symétriquement à l’apex du stérigmate, l’apophyse devient rapidement asymétrique, sa croissance se dirige d’abord vers le côté abaxial de la baside, puis presque directement vers le haut. Elle se développe aussi (mais très peu), vers l’intérieur de la baside (la région adaxiale) pour former l’apicule, ou appendice hilaire (figure 2).

Figure 2. Croissance de l’apophyse. En vert, le cytoplasme

La paroi sporale observée au microscope optique

La figure 3 est tirée d’un texte paru sur le blogue de Mycoquébec : La paroi des spores des hyménomycètes. Elle est un rappel des diverses structures qui forment la paroi des spores des hyménomycètes, en particulier le myxosporium, telles qu’observées au microscope optique.

On observe que l’eusporium forme la vraie paroi sporale et que c’est la composition du myxosporium qui est responsable de l’apparence des différentes spores.

Figure 3. Une spore d’hyménomycète typique observée en microscopie optique.

La paroi sporale vue au microscope électronique

La figure 4 montre la structure de la paroi d’une spore d’hyménomycète typique observée au microscope électronique. L’eusporium, la vraie paroi sporale, dérive de la couche interne de la paroi de l’apophyse. Il peut rester mince ou devenir très épais et stratifié et est toujours résistant au KOH chaud. Il peut s’observer sous forme de trois couches, appelées de l’intérieur vers l’extérieur, le corium interne, le corium externe et la coriotunique. Quant au myxosporium, il dérive de la couche externe de la paroi de l’apophyse. Il peut rester mince, mais souvent il s’épaissit et forme le mucostratum primaire. Celui-ci se transforme selon l’évolution de la paroi sporale et prend alors différentes formes appelées tunique, épitunique, sclérotunique, tectum, etc. Le sporothécium est une mince couche, généralement hétérogène ou floconneuse, visqueuse et électron opaque située à la surface des spores. Il est formé de deux couches, un ectosporothécium foncé à l’extérieur et à l’intérieur, un endosporothécium transparent qui le sépare du myxosporium.

Figure 4. Une spore d’hyménomycète typique observée en microscopie électronique.

L’eusporium

Il provient de la couche interne de la paroi de l’apophyse. Il peut être mince ou devenir très épais. Dans ce cas, sa densité peut être homogène ou variée de l’intérieur vers l’extérieur et il peut alors devenir stratifié.

En microscope optique ces couches peuvent être visibles parce que leurs indices de réfraction peuvent différer considérablement, ou parce qu’elles prennent différemment certains colorants. Comme expliqué plus haut, si deux couches sont visibles, la couche interne s’appelle endosporium et la couche externe épisporium.

En microscopie électronique, l’eusporium apparaît plus ou moins gris foncé et finement granuleux. Sa structure est souvent homogène sur toute son épaisseur, mais parfois sa densité change de l’intérieur vers l’extérieur pour former un eusporium stratifié. Si deux couches sont visibles, la couche interne est appelée corium (homologue de l’endosporium) dont on peut parfois distinguer un corium interne et un corium externe, et la couche la plus externe est appelée coriotunique (homologue de l’épisporium).

Chez les Entoloma et les genres apparentés, une nouvelle structure, l’épicorium, peut former une ornementation de la paroi située entre la coriotunique et la tunique modifiant ainsi l’apparence de la spore. Cet épicorium résiste au KOH chaud et peut être fortement coloré par le rouge Congo.

Le myxosporium

Le myxosporium résulte de l’épaississement et de la différenciation du mucostratum primaire. Celui-ci est visqueux ou gélatineux et apparaît noir en microscopie électronique. Chez les spores à paroi mince et incolore, il reste mince, mais chez les spores à paroi colorée, épaisse ou ornementée, il se développe jusqu’à une épaisseur considérable et engendre une variété de structures secondaires dont les quatre plus fréquentes sont, par ordre croissant de dureté et de résistance au KOH, la tunique (ex. chez Lyophyllum, Entoloma), l’épitunique (ex. chez Cortinarius, Hebeloma, Galerina), la sclérotunique (ex. chez Agaricus, Agrocybe, Pholiota, Boletellus) et le tectum (ex. Russula, Lactarius, Bondarzewia). Dans les premiers stades de la différenciation de l’épitunique et du tectum, une couche dure, transparente et continue appelée podostratum est formée. Les ornementations arrivent plus tard au-dessus du podostratum avec lequel, pendant leur développement, elles finissent par fusionner. Ces différentes formes de myxosporium sont solubles dans le KOH chaud.

Le sporothécium

À la surface des spores persiste une mince couche mucilagineuse, floconneuse, visqueuse et électron opaque appelée sporothécium, sauf dans le cas du tectum de certains champignons, comme les Russulaceae et les Bondarzewia, où il devient un interstratum gélatineux et amyloïde autour des ornementations. Il est soluble dans le KOH.

Quelques exemples de parois sporales et de leur transformation à partir de la paroi de l’apophyse, telles qu’observées en microscopie électronique.

1- Les spores sans myxosporium 

Chez les spores lisses et incolores, l’eusporium peut rester mince et sans myxosporium comme chez Schizophyllum ou être recouvert d’un mince sporothécium comme chez les Amanita. L’eusporium peut aussi être épaissi et recouvert d’un sporothécium, dans lequel on peut parfois distinguer deux couches, l’endosporothécium et l’ectosporothécium comme chez les Tubaria. La figure 5 montre une paroi sporale avec un eusporium épaissi recouvert d’un sporothécium.

Figure 5.  Spore sans myxosporium avec un eusporium épaissi et le sporothécium.

2- La tunique

Chez les spores non colorées comme chez les Lyophyllum et les Clitocybe, le mucostratum primaire devient électron opaque et forme une tunique homogène, lisse et compacte, ce qui donne une structure de paroi sporale plutôt mince, ferme, incolore et lisse en microscopie optique (figure 6a). Chez certaines espèces comme les Rhodocybe, les Clitopilus et les Entoloma une nouvelle structure, l’épicorium, apparaît entre la coriotunique et la tunique. Elle prend la forme de bourrelets hémisphériques, de crêtes, d’arêtes longitudinales ou d’un réseau régulier de veines. L’épicorium résiste au KOH chaud et peut être fortement coloré par le rouge Congo, après la dissolution de la tunique (figure 6b).

Figure 6a. Spore avec une tunique simple
Figure 6b. Spore avec un épicorium sous une tunique.

3- L’épitunique

Chez certaines spores colorées, le mucostratum primaire se différentie en une mince couche basale appelée podostratum et, par endroit, en régions isolées plus solides et transparentes appelées épituniques qui évoluent en verrues caractéristiques de certaines espèces de Galerina, Cortinarius, Hebeloma et Gymnopilus (figure 7a), ou en cavités caractéristiques des Ganoderma et de  certaines espèces de Galerina, Cortinarius et Hebeloma (figure 7b). Des verrues se forment lorsque le mucostratum liquide présent entre des noyaux durs se collapse et que les nodules deviennent des verrues couvertes par le mucostratum résiduel et un sporothécium. Lorsque le mucostratum liquide ne s’affaisse pas, il crée des cavités d’abord remplies par le liquide qui se vident par la suite et qui sont recouvertes par le mucostratum résiduel renforcé par le sporothécium.

Figure 7a. Spore avec une épitunique qui évolue en verrues.
Figure 7b. Spore avec une épitunique qui évolue en cavités.

4- La sclérotunique

Chez les spores colorées, le mucostratum primaire se transforme en sclérotunique, une couche continue, dure et transparente, qui se développe sur la coriotunique. Même si la sclérotunique est aussi dure et souvent aussi électron-transparente que l’eusporium, elle est soluble dans le KOH chaud. Les spores avec une sclérotunique ont une paroi épaisse, en général colorée, lisse comme les Pholiota (figure 8a) ou ornementée comme les Boletellus (figure 8b). Les ornementations de la sclérotunique sont de profondes perforations ou des rainures, généralement longitudinales qui rendent l’ornementation sporale ponctuée ou striée.

Figure 8a. Spores avec une sclérotunique lisse.
Figure 8b. Spores avec une sclérotunique ornementée.

5- Le tectum

Chez certains champignons lamellaires comme les Russula et les Lactarius, à partir du mucostratum primaire, un tectum formé par agrégation de grumeaux, transparents et durs se développe sur un podostratum continu. La paroi apparaît hyaline ou pâle en microscopie optique et porte des verrues inamyloïdes, des épines ou des crêtes. Le mucostratum résiduel se retrouve entre les verrues formées par le tectum et le sporothécium et est appelé interstratum (figure 9).

Figure 9. Spore avec un tectum développé sur un podostratum.

Quelques exemples de spores observées en microscopie électronique

1- Pholiota highlandensis. (Fr.) Singer. (Clémençon 1970)

Comme les Agrocybe, les spores de Pholiota highlandensis possèdent une paroi principalement composée d’une coriotunique zonée et très épaisse, qui est séparée du cytoplasme par un corium granuleux. La coriotunique a une épaisseur de 500 à 600 µm, le corium fait de 100 à 150 µm d’épaisseur. La couche externe de la coriotunique, une zone d’environ 30 µm, apparaît très sombre. Au-dessus se trouve un tectum très mince de seulement 10 à 15 µm d’épaisseur. Le sporothécium a le même aspect très lâche que celui des Agrocybe. La spore représentée sur la figure 10 est presque mature, le corium est présent, mais n’a pas encore rompu la connexion spore-stérigmate.

Figure 10. Pholiota highlandensis.
2- Trois espèces d’Entoloma. (Clémençon 1970)

Entoloma albogriseum (Peck) Singer.

Entoloma incanum (Fr.) Quel.

Entoloma bicolor (Murr.).

Les trois espèces ont une même structure de paroi uniquement constituée d’un corium, d’un épicorium et d’une tunique. Des traces de sporothécium sont rarement visibles. Les angles de la spore d’Entoloma sont formés par une tunique très dense, mais relativement mince (60 – 140 mµ) et remplis par l’épicorium. Le corium est assez mince et beaucoup moins anguleux que la tunique et renferme un cytoplasme également moins anguleux. On peut presque dire en décrivant la spore d’Entoloma qu’elle est une spore ronde dans une boîte carrée, figure 11.

Figure 11. Entoloma albogriseum
3- Bondarzewia montana. (Keller (1978)

Chez Bondarzewia montana (figure 12), les strates observées sont les suivantes de l’intérieur vers l’extérieur :

  • une coriotunique épaisse (0,3 µm), granuleuse et relativement homogène
  • un podostratum mince (env. 0,03 µm) et transparent aux électrons.
  • un tectum transparent et irrégulier de forme et de dimension. Sa morphologie spéciale est à l’origine des ornementations si caractéristiques de la paroi.
  • un interstratum opaque recouvrant plus ou moins intensément la couche précédente; il est présent même à la base des amas de tectum les isolant les uns des autres et les séparant du podostratum.
  • un sporothécium mince, subdivisé en un endosporothécium, un feuillet transparent, mince et régulier, et en un ectosporothécium, un feuillet externe opaque et floconneux.
Figure 12. Bondarzewia montana.

Conclusion

Même si la pratique de la microscopie électronique échappe au mycologue amateur, ses résultats sont accessibles et permettent de mieux comprendre et interpréter la structure de la paroi des spores des hyménomycètes qu’ils observent au microscope optique.

Glossaire

(Les termes en italique réfèrent à la terminologie appliquée en microscopie électronique)

  • Apophyse : bourgeonnement sphérique à l’apex du stérigmate. Premier stade du développement de la spore
  • Coriotunique : homologue de l’épisporium, la couche externe de l’eusporium
  • Corium : homologue de l’endosporium, la couche interne de l’eusporium. Peut apparaître sous forme de corium interne et corium externe
  • Ectosporium : couche la plus externe du myxosporium. Généralement invisible sur les spores matures. N’est pas décrit en microscopie électronique
  • Ectosporothécium : région foncée du sporothécium
  • Endosporium : couche interne de l’eusporium
  • Endosporothécium : région transparente du sporothécium
  • Épicorium : ornementation de la paroi située sous le myxosporium des Entoloma et des genres apparentés
  • Épisporium : couche externe de l’eusporium
  • Épitunique : différentiation du mucostratum qui forme les verrues ou les cavités comme chez les Cortinarius
  • Eusporium : vraie paroi sporale. Il provient de la couche interne de la paroi de l’apophyse. Il est formé de l’endosporium et de l’épisporium
  • Exosporium : en microscopie optique, couche interne du myxosporium. N’est pas décrit en microscopie électronique
  • Hyménomycète : basidiomycète qui expose son hyménium à l’air libre lorsqu’il est rendu à maturité
  • Interstratum : mucilage amyloïde qui se trouve entre les verrues formées par le tectum chez certains champignons lamellaires
  • Mucostratum primaire : épaississement de la couche externe de l’apophyse qui, en se transformant, donnera les différentes formes de myxosporium
  • Myxosporium : couche externe de la paroi sporale formée de l’ectosporium, du périsporium et de l’exosporium
  • Périsporium : couche intermédiaire du myxosporium. C’est la couche extérieure visible en microscopie optique. N’est pas décrit en microscopie électronique
  • Podostratum : couche dure, transparente et continue formée dans les premiers stades de la différenciation de l’épitunique et du tectum
  • Sporothécium : couche floconneuse située à la surface des spores
  • Sclérotunique : couche continue, dure et transparente qui se développe à partir du mucostratum primaire de spores colorées
  • Stérigmate : excroissance située à l’apex de la baside d’où sont produites les spores
  • Tectum : agrégation de grumeaux, transparents et durs formant des verrues, qui se développe à partir du mucostratum primaire chez certains champignons lamellaires
  • Tunique : une couche lisse et compacte qui se développe à partir du mucostratum primaire chez les spores non colorées

Note : tous les croquis sont dessinés à partir de photographies prises au microscope électronique qu’on trouve dans les articles en références.

Références :

Besson, M. A., (1972). Contribution à la connaissance de l’infrastructure de la paroi sporique des Hyménomycètes. Thèse de doctorat. Univ. Claude Bernard, Lyon

Capellano, A., Kuhner, R., (1975). Architecture de la paroi sporique des Volvariacées (Basidiomycètes – Agaricales) en microscopie photonique et électronique. Publications de la Societé Linnéenne de Lyon / Année 1975 / 44-1 / pp. 4-21. Lien

Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycete (2e éd.).Stuttgart: J. Cramer

Clémençon, H. (1970). Bau der Wände der Basidiosporen und ein Vorschlag zur Benennung ihrer Schichten. Z. Pilzkunde 36: 113-133. Lien

Clémençon, H. (1972). Die Wandstrukturen der Basidiosporen II. Kuehneromyces mutabilis. Schweizerische Zeitschrift für Pilzkunde. Lien

Clémençon, H. (1977). Die Strukturen der Basidiosporenwand und des Apikulus, und deren Beziehung zur Exogenisation der Spore. Persoonia. Published by the Rijksherbarium, Leiden. Volume 9, Part 3, pp. 363-380 (1977). Lien

Clémençon, H. (1977). Die Wandstrukturen der BasidiosporenVII. Tubaria. Zeitschr. f. Pilzkunde 43 283-289. Dezember 1977. lien

Clémençon, H. (1986b). Electron microscopy and spore teguments. -In R. Signer: Agaricals in modern taxonomy, 4. Aufl., pp. 83-87. Koeltz Scientific Books, Koenigsten.

Keller, J., (1974). Contribution à la connaissance de l’infrastructure de la paroi sporique des Aphyllophorales. -Thèse de doctorat, Faculté des sciences, Université de Neuchâtel, Suisse.

Keller, J., (1976). Ultrastructure des parois sporiques des aphyllophorales I. Les Bankéracées. Persoonia. Published by the Rijksherbarium, Leiden. Volume 8, Part 4, pp. 415-420 (1976). Lien

Keller, J., (1976). Ultrastructure des parois sporiques des Aphyllophorales II. La paroi sporique de Hericium coralloides (Scop. ex Fr.) S.F.Gray comparée à d’autres parois sporiques amyloïdes. Schweizerische Zeitschrift für Pilzkunde. Lien

Keller, J., (1977). Ultrastructure des parois sporiques des Aphyllophorales III. Albatrellus hirtus (Quél.) Donk. Schweizerische Zeitschrift für Pilzkunde. Lien

Keller, J., (1978). Ultrastructure des parois sporiques des Aphyllophorales. VI. Bondarzewia montana et B. guaitecasensis. Berichte der Schweizerischen Botanischen Gesellschaft = Bulletin de la Société Botanique Suisse Lien

Guy Fortin

2024-04-24

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