Ma découverte de la mycène d’avril, un champignon perce-neige.

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par Gwenaël Cartier alias le Schtroumpf mycologue

Aller au champignon en février au Québec? Et pourquoi pas? Mettez vos raquettes! Gwenaël Cartier nous guide dans la découverte d’un champignon qui aime la neige et le froid.

C’est bien connu de tous les mycologues, souvent quand on s’accroupit pour observer un champignon, cette première étape devient le prélude à la découverte d’autres champignons que l’on n’avait pas encore vu du haut de nos grandes jambes. On passe et on repasse aux mêmes endroits et un jour… Hop ! On tombe sur la perle rare. Ainsi, à l’instar de la plupart de mes découvertes, celle de Mycena aprilis Y. Lamoureux nom. prov. s’est également faite en plusieurs étapes.

NDLR (mars 2022): Le séquençage de la collection de l’auteur a révélé qu’il s’agit de Mycena overholtsii A.H. Sm. & Solheim

Tout d’abord, la première fois que j’ai vu M. aprilis, comme la plupart d’entre nous, ça a été virtuellement, sur Mycoquébec, en admirant les photos de Renée Lebeuf et André Paul et en particulier celle du 1er mars 2010. Je m’étais même permis de déposer un commentaire au-dessous de sa photo : « Bientôt il va falloir sortir nos raquettes pour aller chercher des champignons! »

« Bientôt il va falloir sortir nos raquettes pour aller chercher des champignons! ».

21 avril 2016

Le fait de les avoir vus en photo m’a donc incité à me balader plus tôt dans la saison sur mon territoire de prédilection depuis 2010 : le Mont-Royal. Finalement, pur bonheur, le 21 avril 2016, six ans plus tard quand même, je tombe dessus dans le détour d’un sentier sur un vieux tronc en décomposition; probablement un tronc d’érable. Malheureusement, la presque totalité des spécimens sont en très mauvais état mais certains me permettront quand même d’obtenir une sporée qui permettra l’identification par Yves Lamoureux.

Yves Lamoureux a décrit Mycena aprilis lors de sa toute première découverte par Jean Després, le 15 avril 1994, à Montréal et c’est lui qui lui a donné son nom actuel qui est encore un nom provisoire.

Voir https://www.flickr.com/photos/27441280@N06/4500567860/in/pool-myco-quebec

Malgré leur état très délabré, je me doute bien que c’est aprilis car de trouver des petits lamellés en avril ne laisse pas trop de possibilité quant à son identification. Aussi, je sais maintenant que l’an prochain j’ai un rendez-vous printanier que je vais planifier avec soin pour ne pas rater leur éclosion.

30 mars 2017

Printemps 2017, donc dès le 30 mars, je pars sur les sentiers du Mont-Royal à la découverte de cette espèce rare mais ma déception est palpable à la vue de l’état de la forêt. Je me permets même d’en prendre une photo est d’y apposer le message : « Ce n’est pas pour tout de suite la photo avec des Mycena aprilis ». La neige recouvre tout le sol d’un immense tapis blanc et celui-ci doit bien atteindre par endroits les 60 cm. Si ce n’est des sentiers balisés pour le ski de fond ou ceux damés par le passage répété des piétons, c’est bel et bien en raquette que se présente le reste de l’accès au boisés du Mont-Royal

Ne perdant pas espoir, j’y retourne le 3 avril pour constater que le tronc d’arbre où je les avais trouvés l’année d’avant est encore presqu’entièrement recouvert de neige. Cette fois-ci, ne reculant pas devant l’adversité, je creuse une tranchée devant le tronc, là où je les y avais vus l’année d’avant.

Quelle ne fut pas ma surprise de les trouver, tous frais, sous la neige, bien accrochés au tronc et déjà plusieurs très avancés dans leur développement. D’ailleurs, une autre photo que j’ai prise de la tranchée montre, une fois agrandie, le groupe de spécimens en pleine essor. 

3 avril 2017 : « Quelle ne fut pas ma surprise de les trouver, tous frais, sous la neige»

Dans les jours qui ont suivis, la température aidant, leur développement s’est accéléré très vite, si bien que lors de ma dernière photo prise le 10 avril, ils étaient déjà sur le point de péricliter. Déjà, plusieurs spécimens autour étaient parasités et agonisants malgré la neige et la glace qui les entourait encore pour certains. Ce fut l’occasion de prendre quand même ma meilleure photo de cette espèce où on voit clairement en arrière-plan la neige qui recouvre encore presqu’entièrement le sous-bois.

Montréal, 10 avril 2017 : Mycena aprilis Y. Lamoureux nom. prov. / Mycène d’avril

Cet épisode de 2017 m’a laissé avec une certaine perplexité quant au moment réel de l’apparition de cette espèce. Il est clair que la photo d’André datée de la fin février et celles de Renée le 1er mars laissaient planer un doute sur le meilleur moment pour voir la naissance de ce champignon. Pourtant, si début avril il reste encore plusieurs centimètres de neige au sol, on peut présumer qu’en plein cœur du mois de mars où les skieurs profitent encore d’un des meilleurs moments de ski de la saison, de ce que sera l’état de la forêt et de la quantité de neige qu’il y a encore au sol. Cependant, il était clair pour moi que déjà, au début avril, les spécimens que j’avais trouvés étaient pas mal avancés par rapport au moment réel de leur apparition sous la neige. Bref, j’avais un autre rendez-vous pour 2018 mais je devais arriver cette fois-ci encore un peu plus tôt.

14 février 2018

Si le 23 février était la date de sa première apparition selon André, cela voulait dire que dès le début de février 2018, je devais déjà être aux aguets et voir de près comment la météo allait évoluer dans les jours à venir. En fait, et ce fut ma chance, dès la deuxième semaine de février, MétéoMédia annonçait dans sa prédiction de 14 jours un sérieux réchauffement qui ferait monter la barre du mercure en haut des 10°C. Tout ceci laissait présager la possibilité que notre mycène pouvait se pointer le nez sous la neige. Donc, bravant à nouveau les sentiers enneigés du Mont-Royal, le 14 février, je pars en expédition, en plein hiver à la rencontre d’un lamellé qui se trouve quelque part sous la neige. Il faut vraiment avoir la passion…

Les 14, 15, 16 février 2018, la température maximum tournait autour des 5°C
Les 14, 15, 16 février 2018, la température maximum tournait autour des 5°C. 19 février 2018, j’ai balisé la tranchée avec des feuilles et plus bas il y a une petite zone foncée où se trouve le tronc

La tranchée représentait cette fois-ci un boulot pas mal plus considérable que celle de l’année précédente. Évidemment, je n’étais pas sûr à 100% de l’emplacement, mais certains indices, comme une petite vague dans la neige, me permettaient de localiser le tronc. Plus de trois pieds de neige que j’ai dû creuser pour atteindre une petite trace du tronc. Par contre, je n’y ai rien vu mais je ne voulais pas non plus risquer en creusant davantage de toucher au substrat. Je pensais bien que la température allait jouer son rôle afin de faire fondre la neige et assurer le dégagement du tronc.

Comme de fait, quand j’y suis retourné le 21 février j’ai vu mes premiers boutons de Mycena aprilis. Il y avait encore plein de neige autour mais celle-ci avait assez fondu si bien que la surface du bois était maintenant bien apparente ; même que la neige au-dessus du tronc avait considérablement baissé. J’en ai donc profité pour prendre ma première photo de Mycena aprilis pour 2018 mais je n’ai pas vu s’il y en avait d’autre car la surface dégagée était encore très réduite malgré tout. Je n’ai pas osé non plus fouiller dans la neige glacée autour au risque de briser quoi que ce soit.

21 février 2018 : « […] mes premiers boutons de Mycena aprilis ». Ce jour-là, la température a grimpé au-dessus des 10°C. »

Quand j’y suis retourné le 23, deux jours plus tard, cette fois-ci j’en ai vu d’autres et la photo que j’ai prise témoignait davantage du fait qu’il s’agissait bien de lamellés. Il y avait en effet d’autres spécimens qui sont apparus pas trop loin de là et que j’ai pu couper et déposer sur ma lame à côté des quatre photographiés la première fois.

Montréal, 23 février 2018 : Mycena aprilis Y. Lamoureux nom. prov. / Mycène d’avril

Laissant passer la fin de semaine, lundi 26 février, je constate que plusieurs autres spécimens sont sortis de la glace. Ils sont assez semblables en taille que les autres observés la semaine précédente. C’est assez spectaculaire de les voir surgir de la glace et de pouvoir maintenir leur croissance malgré les nuits en dessous du point de congélation. Sur la photo ci-contre, on remarquera certains spécimens encore sous la glace.

Montréal, 26 février 2018 : Certains spécimens sont encore sous la glace.
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Deux jours plus tard, le 28 février, les températures se sont maintenues bien au-dessus de la moyenne. Le bois du tronc s’est dégagé encore un peu plus laissant voir encore davantage les spécimens. De plus, juste avant de prendre la photo, je vois un spécimen qui a presqu’atteint la maturité, son carpophore est entièrement ouvert laissant bien voir les lames accrochées au pied. On distinguera facilement plus d’une vingtaine de spécimens sur la photo.

Montréal, 28 février 2018.

Ce redoux de la fin de février 2018 m’a permis de voir l’apparition de M. aprilis depuis le tout début de sa croissance sous la neige. Par contre, autant cette période qui aura duré 3 semaines a été suffisamment clémente pour pouvoir observer ce phénomène autant les semaines suivantes ne l’ont pas été. Si le début du mois de mars laissait présager d’une continuité des températures douces, il en aura été tout à fait autrement pour la suite. Les températures ont dramatiquement baissé et la neige s’est à nouveau accumulée sur les spécimens.

Le 6 mars, compte tenu de ce que MétéoMédia annonçait pour les deux semaines à venir, je suis donc à nouveau parti les voir pour prendre une dernière photo avant de les recouvrir pour les protéger des jours à venir qui s’annonçaient assez incléments.

Montréal, 6 mars 2018

En fait pour illustrer mes propos, je reprendrais ici la chronique de Joey Olivier, Rédacteur Web – MétéoMédia, du mercredi 14 mars 2018 à 19 h 58 : « Un changement inhabituel aura lieu à compter de vendredi (16 mars), alors que le froid sera de retour au Québec. Selon la Tendance 14 jours, la deuxième moitié du mois sera plus froide que les deux premières semaines de mars. Il s’agit d’un revirement rare et exceptionnel. »

La météo de la seconde moitié du mois de mars qui allait suivre était franchement très en dessous des moyennes quotidiennes enregistrées par MétéoMédia. Ma chance de la mi-février est devenue ma malchance à la mi-mars. En résumé, ce que le 6 mars m’annonçait pour les 14 prochains jours, c’est le retour des maximums sous le point de congélation et des nuits super froides, sous les moins 10°C. J’ai donc décidé de les couvrir le 6 mars à cause des 20 cm de neige et de la pluie qui étaient également prévus pour cette période. Pour ne pas les retrouver entièrement recouvert de neige, j’ai utilisé une boite de carton ainsi qu’un calendrier recouvert de plastique pour protéger le carton de l’humidité. Ces éléments de couverture une fois bien installés, j’ai recouvert d’un peu de neige afin de les remettre un peu au niveau de ce qui se trouvait autour. Les 2 photos juxtaposées ici montrent un peu l’ampleur de mes travaux. 

6 mars 2018 : « J’ai donc décidé de les couvrir le 6 mars à cause des 20 cm de neige et de la pluie qui étaient également prévus pour cette période. Pour ne pas les retrouver entièrement recouvert de neige, j’ai utilisé une boite de carton ainsi qu’un calendrier recouvert de plastique pour protéger le carton de l’humidité. Ces éléments de couverture une fois bien installés, j’ai recouvert d’un peu de neige afin de les remettre un peu au niveau de ce qui se trouvait autour »

27 mars 2018

Il m’a fallu attendre 3 semaines pour voir poindre à l’horizon le prochain redoux. Ainsi, le 27 mars, des maximums aux alentours des 10°C ont été annoncés et je me suis donc précipité vers le site. Je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre après cette période de 21 jours dans l’abri que j’avais échafaudé.Tout d’abord, première surprise, le lieu ne présentait aucune trace de mes précédentes visites. Les chutes de neige avaient tout recouvert et plus rien n’y paraissait. Je me suis donc accroupi et j’ai enlevé tout ce qui recouvrait la couverture et une fois celle-ci ôtée la plus grande surprise m’attendait.

27 mars 2018 : « Je me suis donc accroupi et j’ai enlevé tout ce qui recouvrait la couverture et une fois celle-ci ôtée la plus grande surprise m’attendait »

Ils étaient tous là bien vivants et en plus grand nombre. La plupart d’entre eux avait grandi, certains moins que d’autres, mais ils étaient tous là. Ils avaient tous passé au travers des nuits de grand froid, même celle du 18 mars qui avait affiché un – 15,1°C. Cette capacité de pouvoir continuer à croître et de résister à de tels froids m’apparaît tout à fait spectaculaire. J’ai pensé pendant un bon moment que de les avoir surpris en février sous 3 pieds de neige avait artificiellement provoqué leur croissance et que de les replonger dans ces froids extrêmes provoquerai un avortement des spécimens ainsi dévoilés mais rien n’en a été ainsi.

Montréal, 27 mars 2018 : Les nuits consécutives les plus froides du mois de mars 2018 ont été observées du 16 au 21 mars avec, en moyenne, -10,9°C par nuit

La pluie a été l’histoire de la soirée et de la nuit du 27 mars ainsi que pendant presque toute la journée du 28. Je n’y suis donc retourné que le 29, le surlendemain.

Avec toute cette pluie, la neige entourant les spécimens avait complètement disparu. Cette journée du 29 mars allait marquer la plus chaude journée du mois avec un beau 9,8°C. Les spécimens affichaient une belle mine et la longue fin de semaine de Pâques s’annonçait relativement chaude compte tenu que les nuits aussi redevenait clémentes coté température. Durant cette fin de semaine, je ne pouvais pas aller les observer et ce n’est seulement que le mardi suivant que j’y retournerais.

29 mars 2018 : Les 3 nuits consécutives du 28 mars au 1er avril étaient au-dessus du point de congélation, ça n’était pas arrivé depuis le 3 mars.

Mardi 3 avril, grosse déception et en même temps une belle surprise. La déception était de retrouver mes spécimens presque tous séchés et en piteux état. De toute évidence, la fin de semaine qui s’annonçait relativement chaude ne les a pas servis. Il est bien clair pour moi maintenant que l’environnement de Mycena aprilis c’est le froid, la neige et la glace. À la chaleur, il dépérit rapidement. Le 29 mars, quand j’ai vu que la fin de semaine de Pâques allait être plutôt chaude, malgré les 19,5 mm de pluie qui sont tombés durant cette fin de semaine, je n’ai pas pensé les couvrir à nouveau pensant que le beau temps leur ferait du bien…

Montréal, 3 avril 2018 « […] l’environnement de Mycena aprilis c’est le froid, la neige et la glace. À la chaleur, il dépérit rapidement. »
Montréal, 3 avril 2018

La belle surprise se profilait dans le prolongement du tronc à la droite des spécimens fanés. Dans une ouverture, en bordure de la neige où je n’avais pas creusé, on pouvait voir quelques spécimens, 5-6 qui étaient pris dans la neige et dont l’apparente teinte de fraicheur annonçait un petit espoir d’une colonie encore bien vivante. J’ai donc décidé de creuser la neige un peu plus sur la droite pour finalement découvrir un beau groupe d’environ 70 spécimens. Le plus beau dans cette découverte n’était pas seulement qu’ils étaient en très bon état mais aussi que la grande majorité d’entre eux avait atteint une maturité bien plus avancée que ceux que j’avais découvert avant.

Montréal, 3 avril 2018. Sous la neige : « la grande majorité d’entre eux avait atteint une maturité bien plus avancée »

La première conclusion qui s’imposait à ce stade était que ce champignon se développait très bien jusqu’à maturité sous la neige.  

La seconde, en contrario, est que sans la neige, à la chaleur, le champignon dépérissait.   

3 avril 2018

La première conclusion qui s’imposait à ce stade était que ce champignon se développait très bien jusqu’à maturité sous la neige.  La seconde, en contrario, est que sans la neige, à la chaleur, le champignon dépérissait.   

Ces deux conclusions misent ensembles m’ont convaincu en ce 3 avril de recouvrir à nouveau les spécimens afin de les protéger du mauvais temps annoncé pour les prochains jours (pluie et neige) et de n’y retourner que le 12 avril où la prévision météo montrait des signes de chaleur dignes d’un mois d’avril.

12 avril 2018

Jeudi 12 avril, le beau temps est revenu mais pas pour longtemps!

Il fait tout près de 9°C et demain, vendredi 13, on doit frôler les 10°C. Malheureusement les jours suivants devraient voir le mercure baisser à nouveau jusqu’à des minimums rarement vus pour la mi-avril. En fait ces deux journées (ainsi que le 3 avril) sont les seules de la première moitié du mois d’avril dont les nuits ont été au-dessus du point de congélation ; toutes les autres nuits étaient en-dessous de 0°C. Quand on sait que la moyenne historique pour la première moitié du mois d’avril est 0°C, il devient clair que cette partie du mois d’avril 2018 a été carrément assez froide pour prolonger la vie de Mycena apriliis.

Vendredi 13, finalement j’y retourne, le temps est radieux. Deuxième journée consécutive où les maximums frisent les 10°C et la nuit la température est légèrement au-dessus du point de congélation. Je constate que les spécimens ont curieusement repris du mieux. J’en profite donc pour reprendre une dernière photo du tout premier groupe que j’avais vu au mois de février. Mais je sais déjà que je ne découvrirai pas tout de suite de leur abri les spécimens découverts le 3 avril.

Montréal, 13 avril 2018.

La température annoncée des 5 prochains jours étant ce qu’elle est (pluie et neige tous les jours et nuits sous 0), je laisse tout tranquille et je retournerai donc la semaine prochaine voir la suite quand la météo sera redevenue favorable.

Jeudi 19 avril 2018

Jeudi 19 avril, la neige a beaucoup fondu ! Plusieurs troncs sont maintenant visibles dans la neige, plusieurs sentiers sont maintenant dégarnis de leur tapis de neige et on peut marcher par endroits sur des feuilles mortes. L’abri que j’ai monté sur le tronc perd également de sa neige et je dois en rajouter pour maintenir le froid. Il reste que pour ce printemps 2018, cette date est en quelque sorte charnière pour la découverte de M. apriliis.  Il y a un autre tronc non loin de celui que j’ai suivi depuis le début où je sais qu’en 2017 il en poussait là aussi. Par contre, je n’ai pas touché à la neige autour de ce tronc ce qui en fait le témoin réel de l’apparition naturelle de M. apriliis. Donc, bien évidemment, je surveillais également ce tronc pour savoir à quand on pouvait s’attendre de le voir apparaitre de lui-même et c’est en ce jeudi 19 avril qu’ils sont sortis de leur cachette comme en témoigne la photo ci-contre.

23 avril 2018

Montréal, 19 avril 2018

Lundi 23 avril il fait 14°C et un maximum de 17°C devrait être atteint. Tel que prévu, le tronc voisin que je n’ai pas touché a été complètement vidé de la neige qui le recouvrait le jeudi précédent. Il est presqu’entièrement recouvert des deux côtés du tronc par M. apriliis. Par contre j’arrive déjà un peu tard. Comme je le mentionnais dans un commentaire sous ma photo du jeudi 19 avril, la fin de semaine qui vient de passer était le moment optimal pour retrouver ce champignon dans toute sa splendeur. Avec la chaleur de la fin de semaine et celle d’aujourd’hui, tout le processus de croissance s’est accéléré et tous les spécimens ont déjà commencé à péricliter et vont continuer de décliner progressivement avec la chaleur qui va perdurer dans les prochains jours.

Bonne nouvelle pour la partie de l’autre tronc où j’avais recouvert de neige les spécimens. Une partie de la neige a fondu mais il en reste suffisamment pour que l’air ambiant ait conservé sa fraicheur.

En fait, les spécimens sous l’abri, tout comme dans les précédentes semaines ont pu préserver leur état. À la différence de ceux qui n’ont eu aucune protection et qui commencent à être dans un mauvais état, ceux-ci sont encore tout frais comme si cela me permettait de les voir sans avoir été affectés par la chaleur des derniers jours.

Comme il reste encore un peu de neige et de glace autour de moi, j’ai décidé de recouvrir à nouveau les spécimens afin de comparer une dernière fois ceux qui auront été protégés et les autres laissés à eux-mêmes.

Le lendemain, mardi 24 avril, il fait encore très chaud, un nouveau maximum va peut-être être atteint aujourd’hui. J’ai un peu de temps devant moi alors j’en profite pour visiter quelques sites pour constater que la neige au pied de la montagne a vraiment presque complètement disparu. En remontant le chemin il en reste encore un peu surtout dans les parcours des frondeurs là où la neige a été fortement damée.

Une fois devant le site, deux constatations s’imposent. Tout d’abord, sur le tronc témoin, l’ensemble des spécimens a séché et c’est vraiment la fin.

Par contre sur l’autre tronc, celui où j’ai creusé la neige en février, les spécimens sont radieux comme la veille. La grosse surprise qui ne devrait pas en être une, c’est que toute la neige et la glace que j’ai déposée pour les abriter a presqu’entièrement fondu.

Je me suis donc remis au travail pour les recouvrir à nouveau mais je l’ai fait tout en sachant que ça ne risquait pas de durer bien bien longtemps. Mon espoir réside dans le fait que même si la journée d’aujourd’hui est très chaude, de la pluie est annoncée pour les deux prochains jours avec des températures un peu plus fraiches (des maximums respectivement de 13°C et 11°C) et qu’avec le retour de la chaleur vendredi (ensoleillé et 17°C prévus) je viendrais prendre mes dernières photos de M. aprilis.

Ne sachant pas trop sur quel pied danser, le lendemain, 25 avril, sous une petite bruine, j’y retourne encore et à nouveau je constate que mon abri a totalement fondu et que je dois le reconstruire. Mon objectif est d’arriver à préserver ces spécimens et de démontrer que dans le froid il perdure sinon il s’étiole et meurt. Les autres spécimens sur le tronc témoin ont déjà passablement rendu l’âme pour la grande majorité. Reste à voir combien de temps je peux tenir cet autre tronc. En fait je pense pouvoir tenir jusqu’à vendredi. Demain, encore de la pluie et une température maximale autour de 13°C. Par contre vendredi, ils prévoient à nouveau des températures proches de 20°C avec du gros soleil.

C’est clair que je ne pourrais tenir bien longtemps la survie de ces spécimens. D’une part, dès le début de la semaine prochaine MétéoMédia annonce des températures proches des 25°C. D’autre part, les morceaux de glace se font de plus en plus rare et je dois aller les chercher de plus en plus loin. Aujourd’hui, j’avais une bonne cinquantaine de pieds à faire pour les ramasser.

Vendredi 27 avril 2018, ce sera mes dernières photos de M. aprilis. À partir d’aujourd’hui, je ne touche plus à rien. Il fait 15°C et les prochains jours seront forcément néfastes puisque les températures annoncées pour la fin avril sont du même acabit et celles du mois de mai sont en haut des 17°C (le 2 mai 2018, 26,2°C ont été enregistrés).

Du 24 au 27 avril les spécimens non protégés ont beaucoup périclité, le décor de la forêt a rapidement perdu son tapis blanc comme en témoigne la photo suivante

Et c’est dans cet état que l’on a une chance de retrouver Mycena apriliis lors d’une première découverte; lorsqu’on ne sait pas encore où le trouver.

Par contre, la protection des spécimens m’a permis de prolonger leur existence ainsi que mon plaisir de pouvoir les photographier sur une plus longue période.

Mycena aprilis Y. Lamoureux nom. prov. / Mycène d’avril
Montréal, 25 avril 2018

En conclusion, après un peu plus de deux mois d’observations, on peut certainement affirmer que Mycena aprilis est un champignon du froid. Il se développe sous des températures en dessous du point de congélation, directement sous la glace et aussitôt que la neige et le froid disparaissent il périclite rapidement. Actuellement, son nom provisoire de Mycène d’avril semble adéquat car, pour le trouver une première fois, c’est bien au mois d’avril qu’il faut arpenter les sous-bois encore enneigés mais laissant voir les troncs couchés dégagés de la neige qui les ont recouverts tout l’hiver. On peut être chanceux et les découvrir encore frais mais il y a plus de chance de les trouver fanés la première fois. En fait, quand on connaît sa cachette, on peut déjà le retrouver au mois de mars et suivre sa croissance et l’observer lorsqu’il perce la neige. Comme aprilis est encore un nom provisoire on pourrait être tenté de le renommer Mycena niviforans / Mycène perce-neige. Chose certaine, une fois le mois de mai arrivé, les chances de le trouver sont alors presque nulles. Le temps des morilles est arrivé.

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5 Responses

  1. Patrick Poitras

    C’est un récit qu’il fait plaisir à lire! Merci, Gwen!

  2. Bibiane Fortier

    Belle histoire! C’est effectivement bien intéressant de suivre des champignons au fil des mois ou des années.

  3. Jeff Lebowe

    Les champignons sont des organismes tellement intéressants! Ils peuvent encore grandir dans des conditions hostiles!

    Merci d’avoir partagé ces photos Gwen!

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