Champignons nordiques de Kuujjuarapik-Whapmagoostui
Par David Fortier
Mise en contexte
Dans le cadre de mon doctorat en chimie, je me rends chaque année (depuis 2023) à Kuujjuarapik–Whapmagoostui pour effectuer de l’échantillonnage de champignons. Cette région nordique constitue un milieu unique, marqué par des conditions climatiques rigoureuses et une biodiversité adaptée au froid et constitue donc un lieu particulièrement intéressant pour l’étude d’espèces de champignons encore peu documentées. L’objectif est d’identifier et de caractériser des métabolites spécialisés (molécules) fongiques, afin d’évaluer leur potentiel médicinal (activités in-vitro). Cette recherche contribue également à une meilleure compréhension de la fonge nordique dans un contexte de changements climatiques rapides qui transforment ces écosystèmes.
La majorité des espèces présentées ici ont été séquencées (ou sont en voie de l’être) et sont déposées dans mon fongarium. Les espèces ont été observées entre la mi-août et la première semaine de septembre sur 3 années et ne sont pas une liste exhaustive, mais un aperçu général d’une grande partie des observations et espèces conservées.
À propos de Kuujjuarapik-Whapmagoostui
Kuujjuarapik–Whapmagoostui est une communauté située à l’embouchure de la Grande rivière de la Baleine, sur la côte de la baie d’Hudson, au nord du Québec (Nunavik). Localisée au-delà du 55e parallèle, cette région nordique n’est accessible que par avion. Il s’agit d’un village biculturel unique, où cohabitent les communauté inuite (Kuujjuarapik) et crie (Whapmagoostui), partageant un même territoire tout en préservant leurs identités culturelles distinctes.
La majeure partie du territoire est formée de caps rocheux parsemés de petits étangs et les sols sont très sablonneux surtout près de la Baie. Les plages, très propre et d’un sable étonnamment fin, pourraient rivaliser avec celles des grandes destinations touristiques! Toutefois, la surabondance de moustiques, les vents froids et l’eau glaciale, parsemée de glaciers même au cœur de l’été, rendent la baignade peu invitante. Les pessières à épinette noire (Picea mariana) dominent le couvert forestier, accompagnées notamment de bouleau glanduleux (Betula glandulosa), d’aulne rugueux (Alnus rugosa), du myrique baumier (Myrica gale), parfois du mélèze laricin (Larix laricina) et d’autres essences diverses en plus faible proportion. On y retrouve de très grande quantité de thé du labrador (Rhododendron groenlandicum) et son cousin nordique le petit thé du labrador (Rhododendron subarcticum), de nombreux petits fruits, comme des bleuets, camarines, chicoutées, canneberges et airelles rouges. Par endroits, on observe des pessières où le sol est tapissé de lichens du genre Cladonia, particulièrement Cladonia stellaris. Dans certaines zones, surtout près des cours d’eau, le sol peut devenir plus mousseux, avec un couvert forestier plus présent et une couche d’humus plus épaisse, offrant un milieu favorable à une grande diversité de champignons.


En 2024, notre arrivée à Kuujjuarapik a eu lieu le 2 septembre, soit lors de la fête du Travail. Comme les épiceries étaient fermées, nous n’avions à notre disposition que des pâtes et quelques épices à la station du CEN. Heureusement, nous avons eu la chance de trouver des pieds-de-mouton au cours de la journée, ce qui a permis d’agrémenter notre repas en attendant l’ouverture de l’épicerie le lendemain.

Lactarius repraesentaneus et Lactarius detterimus sont particulièrement abondants dans la région.


Bien que les résultats de séquençage demeurent non concluants, les espèces du genre Leccinum les plus probables incluent Leccinum rotundifoliae, associé au bouleau glanduleux (Betula glandulosa), très abondant dans la région, ainsi que Leccinum piceinum et Leccinum astrostipitatum. Certains spécimens (probablement L. rotundifoliae) poussaient en terrain découvert, ce qui a entraîné un craquèlement marqué du chapeau en raison d’une exposition prolongée au soleil. La dernière photo illustre le bleuissement particulièrement intense observé chez l’un des échantillons récoltés (Figure 5).



Truffes et autres champignons hypogés nordiques
Autour des épinettes se trouvait parfois de grand tapis de mousse facilitant largement la recherche de champignons souterrains. Il était ainsi possible de relever les tapis de mousse et regarder la présence d’hypogé avant de les redéposer! Quelle belle surprise de trouver, pour la première fois à ma connaissance, des hypogés incluant des truffes dans les régions nordiques du Nunavik!

Il s’agit du 2e report de cette espèce au Québec (le 1er par Véronique Cloutier), il était recherché depuis de nombreuses années! Il s’agit d’un hypogé bleuissant aussi vivement que Gyroporus cyanescens et se classant génétiquement parmi les Leccinum.









Jean Paul Cariou
Bonjour,
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