Le genre « Trametes » au Québec

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par Roland Labbé et Jacques Landry

Les résultats de l’étude phylogénétique de Justo et Hibbett (1) résumé par Justo dans un article publié récemment sur ce blogue, nous oblige à réorganiser la classification des tramètes du Québec. Des différentes options proposées par Justo, celle consistant à une extension du genre Trametes à toutes les espèces de la lignée tramétoide est la solution la plus simple. Au Québec, trois genres, les Lenzites, les Poronidulus et les Pycnoporus, seront ainsi affectés.

L’étude phylogénétique de Justo et Hibbett (1) a porté sur le genre Trametes et 18 genres reliés, tels que Cerrena, Coriolopsis, Daedalea, Daedaleopsis, Lenzites, Poronidulus, Pycnoporus et Trichaptum. Il en résulte 4 clades majeurs : dendrocorticium, phlébioïde, polyporus et tramétoïde. Le clade tramétoïde inclut les espèces décrites par Gilbertson et Ryvarden (2-3) du genre Trametes, sauf Trametopsis cervina et Trametes trogii. De plus, il inclut aussi les espèces suivantes, Coriolopsis polyzona, absente du Québec, Lenzites betulinus, Poronidulus conchifer et Pycnoporus cinnabarinus, présentes au Québec. L’espèce Coriolopsis gallica demeure hors du clade tramétoïde dans une branche soeur de Trametes trogii.

Selon les résultats obtenus par cette étude phylogénétique, l’utilisation d’un unique nom générique, Trametes, pour les espèces du clade tramétoïde représente la meilleure option taxonomique et nomenclaturale, puisque le concept morphologique de Trametes devrait demeurer presque inchangé et que seules quelques combinaisons nomenclaturales seraient nécessaires. Le scénario qui consiste à diviser ce clade en 5 ou même 10 genres ferait que la distinction morphologique de ces genres séparés serait très difficile et impossible parfois (voir l’article de Justo sur ce blogue). Les genres présents au Québec, Lenzites, Poronidulus et Pycnoporus seraient donc considérés synonymes de celui de Trametes.

Pour suivre ce plan de réorganisation des espèces du genre Trametes, nous devons placer trois nouvelles espèces dans le genre Trametes (Lenzites betulinus, Poronidulus conchifer et Pycnoporus cinnabarinus). Trametopsis cervina reste dans le genre Trametopsis, cependant, Trametes trogii se retrouve hors du clade des tramétoïdes.

Le tableau suivant résume la future position de nos espèces au Québec.
[table id=13 /]

Les trois premières espèces de ce tableau ont déjà fait partie du genre Trametes. Il s’agit donc que de les replacer dans leur genre original.
  • Lenzites se différencie de Trametes par un hyménophore dédaloïde ou lamellé et la présence d’hyphes ligatives terminées en forme d’épée dans l’hyménium. Un hyménophore lamellé est aussi présent chez Trametes elegans et des hyphes ligatives en épée se rencontrent chez Trametes cubensis, une espèce poroïde et qui, autrement, est typique des Trametes.
lenzites
Trametes betulina / Tramète du bouleau
PHOTO : Jacqueline Labrecque

 

  • Poronidulus conchifer est facile à reconnaître par ses structures cupuliformes associées aux basidiomes et qui produisent des propagules asexuées. Ce caractère n’est, cependant, pas toujours présent.
conchifer
Trametes conchifer / Tramète coupelle
PHOTO : Jacqueline Labrecque

 

  • Pycnoporus se distingue uniquement de Trametes par la coloration rouge orangé de ses basidiomes.
cinnabare
Trametes cinnabarina / Tramète cinabre
PHOTO : Dany Vallières

 

  • Six de nos Trametes sont confirmés dans le clade tramétoïde et ne changent pas de nom. Il en est de même de Trametopsis cervina qui fait partie du clade phlébioïde.
  • Trametes trogii se situe hors du clade tramétoïde, dans une branche soeur de Coriolopsis gallica. Il doit donc changer de genre et peut reprendre son ancien nom, Coriolopsis trogiiCoriolopsis se distingue de Trametes surtout par des hyphes colorées qui donnent au contexte une coloration brune. Ce changement de nom pour T. trogii, tout comme d’ailleurs le nom de Coriolopsis gallica, est problématique et pourrait être temporaire. En effet, les espèces de ce genre sont polyphylétiques et l’espèce type, C. polyzona,  est placée maintenant dans le clade tramétoïde. Il en résulte donc que le genre Coriolopsis est synonyme de Trametes, et qu’une nouvelle espèce type devra être proposée pour conserver le genre Coriolopsis. 
Les caractères diagnostiques du genre Trametes ont été fixés par Gilbertson et Ryvarden en 1987 et 1994, puis par Kirk & coll. en 2008 (2-4). Voici ce que deviennent ces caractères une fois que le concept des Trametes est étendu pour inclure les genres Lenzites, Poronidulus et Pycnoporus. Le texte en vert indiquent les ajouts à la définition précédente.
  • basidiome annuel à pérenne, piléé, sessile, effusé-réfléchi, dimidié à (sub)flabelliforme, solitaire ou imbriqué, flexible, tenace à coriace, incluant parfois des structures cupuliformes reliées aux basidiomes
  • face supérieure glabre à villeuse, souvent zonée, blanchâtre, crème, grise, bleue à brune, parfois rouge cinabre à rouge orangé
  • face poroïde blanche, crème, ochracée à grisâtre, parfois rouge cinabre à rouge orangé
  • hyménophore poroïde, parfois dédaloïde, semi-lamellé ou lamellé
  • contexte blanc, jaunâtre, isabelle à rouge orangé, homogène ou duplexe, parfois avec une ligne noire sous le revêtement piléique
  • système hyphal trimitique
  • hyphes génératrices bouclées, hyalines
  • hyphes squelettiques droites, à paroi épaissie ou solide, hyalines, renflant dans le KOH chez certaines espèces
  • hyphes ligatives tortueuses, solides, hyalines, parfois avec longues branches latérales pointues courbant en partie dans l’hyménium (ligatocystides)
  • cystides absentes, mais terminaisons hyphales pointues, en forme d’épée, pouvant émergées dans l’hyménium chez certaines espècesspores ellipsoïdes, cylindriques à (sub)allantoïdes, à paroi mince, hyalines, inactives dans le Melzer
  • spores ellipsoïdes, cylindriques à (sub)allantoïdes, à paroi mince, lisses, hyalines, inactives dans le Melzer

Trametes est en plus [simple_tooltip content=’se dit d′un champignon dont la reproduction sexuée n′est possible qu′à partir de cellules provenant de deux souches sexuellement compatibles.’]hétérothallique[/simple_tooltip] et [simple_tooltip content=’— présentant deux paires de facteurs sexuels. — dont l′incompatibilité est contrôlée par deux paires d′allèles non reliées qui se séparent indépendamment. — se dit d′un système d′hétérothallisme dans lequel la compatibilité sexuelle est contrôlée par plusieurs allèles, se produisant tous à 2 loci.’]tétrapolaire[/simple_tooltip], agent de carie blanche sur bois de feuillus, parfois sur bois de conifères, et cosmopolite, avec environ 50 espèces dans le monde, dont plusieurs sont communes et largement répandues.

Suit une clé corrigée des Trametes au Québec

Remerciement

Les auteurs remercient Jacqueline Labrecque et Dany Vallières pour la permission d’utiliser leurs photos.

Références

  1. Justo, A., and Hibbett, D.S. (2011). Phylogenetic classification of Trametes (Basidiomycota, Polyporales) based on a five-marker dataset. Taxon 60, 1567–1583.
  2. Gilbertson, R.L. & Ryvarden, L. (1987). North American polypores, vol. 2. Synopsis Fungorum Special Volume. Oslo: Fungiflora.
  3. Ryvarden, L. & Gilbertson, R.L. (1994). European polypores, vol. 2. Synopsis Fungorum 7. Oslo: Fungiflora.
  4. Kirk, P.M., Cannon, P.F., Minter, M.W. & Stalpers, J.A. (2008). Dic- tionary of the Fungi, 10th ed. Wallingford, U.K.: CAB Interna- tional.

 

Clé des Trametes au Québec

Cette clé est interactive. Cliquez sur le renvoi à la droite pour descendre directement à la ligne suggérée. Cliquez sur le numéro de la ligne à la gauche pour retourner à l’énoncé précédent. Les genres représentés sur Mycoquébec sont en vert et sont cliquables. Pour ceux qui aurait des problèmes à visualiser la clé ici, elle est publiée également sur Mycoquébec. Vous pouvez vous y rendre en cliquant sur le bouton bleu ci-dessous.
Clé des Trametes

 

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