Étude microscopique de Boletus chippewaensis, le porcini québécois

Classé dans : Champignon vedette | 2

par Guy Fortin et Roland Labbé

Boletus chippewaensis, aussi appelé Cèpe d’Amérique (voir Tableau 1), est un basidiomycète de la famille des Boletaceae dans le clade Porcini, un groupe de bolets regroupant les cèpes. Génétiquement il est très près sinon identique au Boletus edulis européen. Il fait les délices des mycologues québécois, mais aussi des mycologues du Nord-Est et du Centre-Nord de l’Amérique du Nord. Il est relativement fréquent et pousse de juin à septembre, surtout sous les épinettes et divers feuillus. Son chapeau dans les tons de brun jaunâtre, son pied clavé vers la base orné de fines réticulations pâles surtout vers l’apex, sur fond blanchâtre, crème à brunâtre, le rendent facilement identifiable. À la coupe, la chair est blanche, immuable et l’odeur indistincte (Fig. 1a), (Fig. 1b pour le spécimen étudié).

TABLEAU 1
Caractéristiques des Cèpes*
• chapeau sec ou viscidule au début, vite sec, glabre ou velouté, lisse, finement craquelé-aréolé, parfois irrégulier, bosselé-plissé-alvéolé
• face poroïde blanchâtre au début, puis jaune, ochracée ou jaune olivâtre à la fin, bleuissant un peu chez une seule espèce
• pores oblitérés, au début invisibles même à la loupe, car obstrués par une couche de cheilocystides venant de la trame tubulaire
• couche de tubes concolore à la face poroïde
• pied toujours plus ou moins réticulé, au moins vers l’apex
• chair blanche, immuable à la coupe
• saveur douce
• sporée ocre brunâtre ou brun olive
*Les Cèpes font partie des bolets du clade Porcini (ou groupe Edulis)

Fig. 1a. Boletus chippewaensis / Cèpe d’Amérique. ©Renée Lebeuf
Fig. 1b. Boletus chippewaensis / Cèpe d’Amérique. Photo du spécimen étudié

La sporée est brun olive. Les spores observées dans l’ammoniaque apparaissent verdâtres. Elles sont typiquement bolétoïdes, c’est‑à‑dire fusoïdes, avec une légère dépression suprahilaire, lisses (Fig. 2).

  • (11,6) 12,8 – 16,3 (19,6) × (3,9) 4,3 – 5 (5,5) µm
  • Q = (2,6) 2,8 – 3,4 (3,8); N = 38
  • V = (99) 128 – 221 (276) µm3
  • Me = 14,5 × 4,6 µm; Qe = 3,1; Ve = 166 µm3
Fig. 2. Spores de Boletus chippewaensis. Obtenues d’une sporée et observées dans l’ammoniaque 2,5%, fusoïdes, avec légère dépression suprahilaire, lisses

Les basides hyméniales sont clavées, non bouclées à la base (Fig. 3).

Fig. 3. Basides hyméniales. Me = 29,2 × 9,4 µm

La trame tubulaire est typiquement bolétoïde, c’est-à-dire avec un médiostrate formé d’une dense couche d’hyphes non gélatinisées, des strates latérales plus ou moins gélatinisées, nettement divergentes, lâchement arquées et des hyphes qui ne se touchent pas (Fig.4).

Fig. 4. Trame tubulaire bolétoïde du Boletus chippewaensis
Fig. 5. Détail de l’hyménium tubulaire du Boletus chippewaensis

Le pileipellis, en ixotrichoderme, est formé d’hyphes légèrement gélatinisées, emmêlées, étroites, non bouclées, septées, pigmentées, étroites (Fig. 6 et 7).

Fig. 6. Pileipellis en ixotrichoderme à faible grossissement, 100x
Fig. 7. Détail du pileipellis en ixotrichoderme

Les réticulations caractéristiques présentes sur le pied du Boletus chippewaensis sont un prolongement sur le stipe de l’hyménium des tubes. Elles sont la manifestation macroscopique d’une structure microscopique appelée caulohyménium. Celui-ci est formé de caulocystides, caulobasidioles, caulobasides fertiles et d’un caulosubhyménium.  Les caulobasides sont en tout point semblables aux basides tubulaires.

Chez Boletus chippewaensis, les strates latérales externes du stipe sont caractéristiques du type Boletus. Elles sont formées de l’intérieur vers l’extérieur de la trame proprement dite du stipe, sur laquelle se trouve une strate formée d’une couche d’hyphes gélatinisées, lâchement distribuées, sur laquelle reposent le caulosubhyménium et le caulohyménium (Fig. 8).

Fig. 8. Couches externes de la surface du stipe caractéristiques du type Boletus

Conclusion

            Boletus chippewaensis, en plus de ses qualités gastronomiques et de ses caractères macroscopiques, possède des structures microscopiques comme les strates latérales du stipe, le pileipellis en ixotrichoderme et la trame tubulaire boletoïde qui en font un représentant typique du genre Boletus.

Addendum

Fig. 9. Croquis de quelques structures microscopiques du Boletus chippewaensis

Glossaire

  • Appendice hilaire : petite projection réunissant la base de la spore au stérigmate de la baside
  • Basidiomycète : champignon dont les spores sont produites par des basides
  • Boletaceae : famille de champignons basidiomycètes
  • Bolétoïde (trame) : trame tubulaire dans laquelle les couches latérales sont plus ou moins gélatinisées, nettement divergentes
  • Caulohyménium : prolongement sur le stipe de l’hyménium de certains champignons. S’applique surtout aux bolets
  • Caulosubhyménium : couche de tissu donnant naissance au caulohyménium
  • Dépression suprahilaire : petite encoche située au-dessus de l’appendice hilaire, à la base d’une spore
  • Hyménium : surface fertile d’un champignon donnant naissance aux spores.
  • Ixo- : préfixe indiquant que l’élément en cause est gélatinisé
  • Ixotrichoderme : trichoderme gélatinisé. Voir Trichoderme
  • Pileipellis : couche superficielle couvrant le bord supérieur du chapeau d’un champignon
  • Pileus : chapeau d’un champignon
  • Subhyménium : couche de tissu donnant naissance à l’hyménium 
  • Trichoderme : type de pileipellis dont les hyphes sont redressées, irrégulières ou sous-régulières, modérément gonflées ou non

Remerciements

Nos remerciements à Johanne Paquin et Jacques Landry pour leur aide et à Marcel Lecomte qui nous a dirigés vers l’étude des caulohyméniums qu’il étudie actuellement, en parallèle, sur des espèces européennes.

Références

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