Observation des crochets des lamprocystides en microscopie optique

Classé dans : Microscopie | 1

 

Guy Fortin

avec la collaboration de Johanne Paquin

 

Certaines caractéristiques spécifiques des lamprocystides sont importantes dans la détermination des espèces. Une méthode simple est présentée pour déterminer en microscopie optique la densité des lamprocystides sur les lames de Pluteus et quantifier la présence et le type de crochets qu’elles portent. 

Les cystides

Les cystides (kystis : vessie) sont des articles d’hyphes, terminaux et spécialisés, qu’on retrouve dans le basidiome de plusieurs hyménomycètes. Elles diffèrent des autres articles par leur forme, leur dimension, la structure de leur paroi ou par leur cytoplasme. La plupart des cystides sont localisées dans l’hyménium ou à la surface du stipe ou du pileus, mais certaines peuvent être enfouies dans le contexte du basidiome.

Pour décrire les cystides, on utilise une terminologie topographique ou morphologique ou les deux ensembles pour plus de précision. Ainsi, une pleurocystide est une cystide située sur la face latérale d’une lame (terme topographique), une lamprocystide est une cystide à paroi épaissie (terme morphologique) et une pleurolamprocystide est une cystide à paroi épaissie située sur la face latérale d’une lame.

Suivant la terminologie topographique, les cystides sont décrites en fonction de leur localisation sur le basidiome. On distingue les

  • Dermatocystide (derma = peau) située sur la surface du chapeau des agarics.
  • Piléocystide (pileus = chapeau) située sur ​​la surface du chapeau.
  • Pleurocystide (pleura = côté) située sur la face des lames.
  • Cheilocystide (cheilos = lèvre) située sur l’arête des lames.
  • Caulocystide (kaulos = stipe) cystide située sur la surface du stipe.
  • Endocystide (endon = dans) située et enfermée dans le contexte d’un basidiome.

Les termes piléocystide et dermatocystide sont synonymes.

Suivant la terminologie morphologique, les cystides sont décrites selon leur apparence en microscopie optique et leur comportement dans les colorants et les réactifs. Elles sont divisées en deux groupes selon l’apparence de leur cytoplasme : les Deutérocystides dont le cytoplasme est formé de dépôt de métabolites secondaires et qui a une apparence qui va d’homogène à hétérogène, d’aqueuse à gélatineuse ou cristallisée et qui est plus ou moins ferme, et les Aléthocystides dont le cytoplasme est homogène, clair, transparent (Clémençon, 2012).

  • Deutérocystide
    • Chrysocystides
    • Gléocystides
  • Aléthocystides
    • Astrocystides
    • Halocystides
    • Lagénocystides
    • Lamprocystides
    • Le type Inocybe
    • Le type Métuloïde
    • Le type Pluteus
      • Type Magnus
      • Type Cervinus
    • Les Soies
    • Les Leptocystides
    • Les Lyocystides
    • Les Ornatocystides
    • Les Scopulocystides
    • Les Cystides trabéculaires

Dans le groupe des Aléthocystides se trouvent les Lamprocystides.

Les lamprocystides (lampros = lumineux)

Elles ont été appelées ainsi par Romagnési (1944) parce que leur paroi reste claire lorsque le diaphragme du condensateur du microscope est presque complètement fermé (Fig. 1). Ce sont des cystides non deutéroplasmatiques, à paroi épaissie, incolore ou plus ou moins brune, souvent excrétrices.

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Fig. 1: Lamprocystides. Les lamprocystides, ici des pleurolamprocystides de Pluteus brunneidiscus, sont situées sur la face lamellaire et ont, comme toutes les lamprocystides, une paroi épaissie qui a la particularité d’être plus lumineuse que le reste du champ de vision lorsqu’elle est vue en microscopie optique et que le diaphragme du microscope est presque complètement fermé. Romagnési (1944) a remarqué ce phénomène et baptisé ainsi ces cystides.

Même si le terme métuloïde (métule = petit cône) est assigné à un type particulier de cystides appartenant au genre corticié Peniophora, il est aussi utilisé pour désigner des cystides similaires présentes chez d’autres champignons. C’est pourquoi les lamprocystides de type Pluteus sont parfois appelées des métuloïdes.

En microscopie optique, une coupe transversale d’une lame permet d’observer les éléments de cette lame et, en particulier, ceux qui se trouvent sur la face lamellaire (Fig. 2).

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Fig. 2: Coupe transversale d’une lame Pluteus brunneidiscus illustrant les différentes parties d’une lame de champignon et en particulier dans ce cas-ci, l’importante protrusion que font les pleurocystides hors de la face de l’hyménium.

 

Les lamprocystides de type Pluteus, du genre lamellé Pluteus, section Pluteus, sont fusiformes, incolores, à enracinement profond, terminales, à paroi épaissie, sans cristaux, avec des crochets apicaux caractéristiques. Au début de leur développement, les deux noyaux présents dans la cystide dégénèrent et le cytoplasme devient fortement vacuolaire pour finalement se limiter à l’apex de la cystide, pendant que la partie supérieure de la paroi de la cystide s’épaissit (Fig. 3 et 4).

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Fig. 3: Les pleurolamprocystides, aussi appelées cystides métuloïdes chez les Pluteus de la section Pluteus, lorsqu’elles sont matures, possèdent une paroi épaissie dans la partie supérieure et sont fortement enracinées dans l’hyménium. Elles sont comblées par une grosse vacuole qui les rend incolores et peuvent avoir des crochets apicaux caractéristiques. Les flèches pleines pointent vers des crochets, dont les caractéristiques de quelques-uns sont difficiles à identifier à cause d’une superposition des structures due à l’angle sous lequel ils sont vus. La flèche pointillée pointe vers un crochet latéral.

 

Une telle coupe transversale permet de préciser la forme et les dimensions des pleurocystides. Cependant, l’observation des crochets, lorsqu’ils sont présents, est difficile à cause d’un effet de superposition des structures dû à l’angle sous lequel ils sont vus. (Fig. 4).

 

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Fig. 4: Une cystide métuloïde typique d’un Pluteus brunneidiscus. Une coupe transversale d’une lame permet d’observer de côté les éléments qui se trouvent sur l’hyménium. À l’exception des crochets, des mesures précises et une évaluation de la forme et des caractéristiques des éléments sont alors possibles.

Une méthode pour l’observation des crochets

Le nombre de crochets présents à l’apex des pleurocystides, ainsi que leur forme, entier ou bifide, est une caractéristique d’identification importante des Pluteus section Pluteus. Un crochet bifide est un crochet qui, provenant d’une base unique, se sépare en deux vers son apex, un peu à la manière d’une langue de serpent.

Devant cette difficulté à bien visualiser les crochets des pleurocystides sur une coupe transversale, nous avons tenté de les observer sur une vue de face de la lame.

Même si elles sont profondément ancrées dans l’hyménium, les pleurocystides peuvent émerger de plusieurs dizaines de microns au-dessus de l’apex des basides (Fig. 2 et 4). Une vue de face de la lame, à faible grossissement (objectif 10x), peut mettre en évidence le type et la quantité de crochets présents à l’apex des pleurocystides.

Une première observation a été faite en déposant, à sec, sur une lame porte-objet, une lame prélevée sur un exsiccatum de Pluteus brunneidiscus et en l’observant avec l’objectif 10x du microscope. En ouvrant le diaphragme du condensateur au maximum, la luminosité est suffisante pour observer par transparence. Bien que les lamprocystides des Pluteus soient considérées comme non sécrétrices, nous avons été surpris de constater que l’apex de la majorité des pleurocystides était encombré par des amas de spores. Cette observation a été faite sur l’apex de tous les spécimens en exsiccatum que nous avons observés par la suite. Il semble qu’un matériel hyalin de consistance collante y soit présent. Clémençon (2012) rapporte que Starck et Sundberg (1981) ont observé un matériel hyalin, amorphe sur l’apex de plusieurs pleurocystides avec occasionnellement des basidiospores y adhérant. Clémençon ajoute que le fait que les lamprocystides de type Pluteus soient considérées comme non sécrétrices est dû à des observations incomplètes (Fig. 5 à 7).  La présence de spores à l’apex des pleurocystides a été confirmée à plus fort grossissement (Fig. 7) et également sur une coupe transversale (Fig. 8)

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Fig. 5: Vue de face de l’apex d’une lame montrant ses deux faces et, en silhouette, des pleurocystides dont certaines ont un amas de spores adhérant à l’apex.

 

 

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Fig. 6: Vue légèrement en oblique prise au milieu (en haut) et à la marge (en bas) d’une lame de Pluteus brunneidiscus. L’observation a été faite à sec, sans appliquer de lamelle et avant toute manipulation visant à éliminer les spores. Sur les deux photos, les flèches hachurées pointent vers quelques pleurocystides libres de spores et transparentes comme du verre. Les flèches pleines pointent vers des amas de spores agglomérées sur l’apex de pleurocystides. Les agglomérats de spores mesurent environ 22 µm de diamètre alors que la distance entre les pointes opposées de deux crochets fait environ 15 µm (voir Fig. 4).
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Fig. 7: Vue agrandie d’une lame de Pluteus brunneidiscus qui permet de confirmer que ce sont des spores qui s’agglomèrent à l’apex des pleurocystides. Me = 6,51 x 4,58 µm ; Qe = 1,43; N = 6

 

 

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Fig. 8: Pleurocystides de Pluteus brunneidiscus ayant des spores adhérant à leur apex (coupe transversale).

Par la suite, quelques gouttes d’eau ont été déposées sur la lame, directement sur le porte-objet. Elle a été nettoyée de la majorité des spores en secouant le porte-objet d’un mouvement de va-et-vient pendant quelques instants. Le surplus d’eau a été asséché avec un papier absorbant. Une fois nettoyé des spores, l’apex des pleurocystides a pu être observé facilement, laissant place à l’étude des caractéristiques des crochets, Sur la Fig. 9 ainsi obtenue, on identifie facilement des pleurocystides à 3, 4 et 5 crochets de même que des crochets entiers et bifides.

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Fig. 9: Cette vue de face prise près de la marge d’une lame de Pluteus brunneidiscus, a été faite à faible grossissement et recadrée, sans application d’une lamelle et après « nettoyage » des spores. Elle permet d’identifier le type de crochets présents à l’apex des pleurocystides. Sur cette photo, on identifie facilement des pleurocystides à 3, 4 et 5 crochets de même que des crochets entiers et bifides.

De plus, des mesures quantitatives précises sont possibles. La photo de la Fig. 10, prise au centre d’une lame, couvre une surface de 0,73 mm² et montre l’apex de 123 pleurocystides pour une densité de 170 pleurocystides par mm². Sur un total de 44 pleurocystides dont la qualité photographique permettait une évalutation précise, il y avait 149 crochets entiers et 17 crochets bifides, pour un total de 166. Les pleurocystides avaient de 2 à 5 crochets. La plupart en avaient 4 (Fig. 11).

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Fig. 10: Vue de face d’une lame de Pluteus brunneidiscus. La mise au point a été faite sur l’apex des pleurocystides.

 

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Fig. 11. Distribution selon leur nombre de crochets obtenue à partir des résultats montrés à la figure 10.

Conclusion

La méthode d’observation présentée permet d’évaluer facilement le nombre, le type, la densité des crochets présents à l’apex des pleurolamprocystides. Plusieurs observations seront nécessaires, à la fois sur différentes parties d’un même champignon et sur différents spécimens, avant de savoir si, en plus de faciliter l’observation des crochets, les mesures obtenues par cette méthode peuvent être utiles à l’identification.

 

        

Références :

  • Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer
  • Largent, D., Johnson, D., Watling, R. (1977). How to Identify Mushrooms to Genus III: Microscopics Features. CA, É.-U.: Mad River Press Inc.
  • Romagnesi, H. (1944)  La cystide chez les Agaricacées. Suppl.Rev.Mycol. 9: 4-21.

  • Glossaire mycologique de Mycoquébec : http://www.mycoquebec.org/Glossaire/glossaire.php

Toutes les photos sont de l’auteur.

Nos remerciements à Roland Labbé et Jacques Landry pour leurs conseils et leur lecture critique.

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