La paroi des spores

Classé dans : Microscopie | 1

Guy Fortin, avec la collaboration de Johanne Paquin


L’étude de la paroi des spores s’appelle « pariétologie sporique » (Izarra). Le suffixe « sporium » est utilisé pour nommer les couches de la paroi sporale alors que le suffixe « spore » est utilisé pour parler de la spore en général comme dans basidiospore ou ascospore.

Vue au microscope optique, la paroi des spores des hyménomycètes peut apparaître mince ou épaissie, simple ou stratifiée, lisse ou ornementée, incolore ou colorée. De plus, les diverses couches et les ornementations peuvent prendre le bleu coton, le bleu de toluidine, le rouge Congo et réagir ou non aux solutions iodées. À l’apex, on peut trouver un pore germinatif et à la base, on peut apercevoir ou non un appendice hilaire.

De l’intérieur vers l’extérieur de la spore, on rencontre successivement l’eusporium et le myxosporium qui sont constitués de la façon suivante :

A- l’eusporium. Il est formé de l’endosporium et de l’épisporium et constitue la « vraie » paroi de la spore. Il est presque toujours incolore, résiste au KOH et serait l’équivalent de la paroi des basides et des hyphes.

  1. l’endosporium, incolore et résistant au KOH, peut être parfois distingué de l’épisporium à cause d’un indice de réfraction différent de ce dernier. Lorsqu’il est assez épais, on peut voir deux parois incolores au microscope optique.
  2. l’épisporium, aussi incolore et résistant au KOH, constitue la paroi fondamentale de la spore. Le pore germinatif, lorsqu’il est présent, est un trou dans cette paroi, comblé par du matériel provenant de l’endosporium.

B- Le myxosporium. Il est formé de l’exosporium, du périsporium et de l’ectosporium et constitue la zone où se situent, si elles sont présentes, les ornementations, les pigmentations et les structures amyloïdes, dextrinoïdes ou cyanophiles. Toutes ces structures sont dissoutes dans le KOH.

  1. l’exosporium contient les ornementations (verrues, épines, réticulations, etc.) de la spore, s’il y en a. Il est gélatineux, mais peut devenir cartilagineux. Il est soluble dans le KOH. Il peut être incolore et ornementé comme chez les Russula, coloré et ornementé comme chez les Cortinarius, incolore et lisse comme chez les Lepiota et, coloré et lisse comme chez les Agaricus (Fig. 1).
  2. le périsporium, gélatineux, et soluble dans le KOH, forme la paroi la plus externe visible au microscope optique parce que la couche suivante est invisible.
  3. L’ectosporium est historiquement la dernière couche sporale à avoir été décrite. C’est une couche très mince et en général invisible chez les spores matures où elle forme une surface gélatineuse qui rend la spore visqueuse et collante. Ceci explique l’adhérence de la sporée au substrat, même lorsqu’elle est exposée à un souffle violent.
Fig. 1
Fig. 1 : A- Spore incolore et lisse. Lepiota cristata. B- Spore colorée et lisse. Agaricus sp. C- Spore incolore et ornementée. Russula compacta. D- Spore colorée et ornementée. Cortinarius caperatus.

Certaines des structures du myxosporium sont remarquablement dures, mais toutes sont solubles dans le KOH. Les structures les plus molles sont dissoutes rapidement tandis que les plus dures peuvent prendre jusqu’à 2 ou 3 jours pour se dissoudre. L’eusporium résiste à ce traitement.
La Fig. 2 montre des spores de Cortinarius caperatus dans le liquide glycériné et dans le KOH 14%, légèrement chauffé, après un délai de 1 heure et de 3 heures. Après 3 heures, le myxosporium est complètement dissous et il ne reste que le protoplasme entouré de l’eusporium.

Fig. 2
Fig. 2 : Spores de Cortinarius caperatus. A : dans le liquide glycériné. B : dans le KOH 14% légèrement chauffé après 1 heure. C : dans le KOH 14% légèrement chauffé après 3 heures.

Une fois éjectées, les spores doivent survivre un certain temps avant de trouver un milieu propice à leur germination. C’est en particulier le vent qui assure leur distribution spatiale et c’est leur type de paroi qui donne aux spores leur résistance à la déshydratation et aux rayons UV. Les spores à paroi mince et incolore (ex. Mycena), ne survivent que quelques jours alors que les spores à paroi épaissie et fortement colorée peuvent survivre plusieurs mois (ex. Suillus) et même des années (ex. Conocybe).

Le myxosporium peut, parfois, être mécaniquement détaché de l’eusporium en écrasant les spores entre la lame et la lamelle et en faisant glisser latéralement celle-ci. (fig. 3)

Fig. 3
Fig. 3 : Spore de Cortinarius caperatus dont l’eusporium et le myxosporium ont été séparés mécaniquement par compression et cisaillement entre la lame et la lamelle.

Lorsqu’on observe une spore au microscope optique, que son indice de réfraction est différent de l’indice de réfraction du milieu ambiant, que le microscope est légèrement hors foyer et que le diaphragme du condensateur est correctement ouvert (une situation fréquente), il se produit un phénomène optique qui consiste en l’apparition d’un halo lumineux autour de la spore. Ce halo est immédiatement suivi d’une très mince ligne foncée. Ce phénomène s’appelle une ligne de Becke. Ensemble, le halo brillant et la ligne foncée pourraient être interprétés à tort comme étant une paroi sporale. Il est toutefois facile de reconnaître les lignes de Becke en fermant le diaphragme du condensateur, ce qui crée un nombre supplémentaire de lignes foncées. Lorsque deux spores sont proches l’une de l’autre, ces lignes se chevauchent, éliminant le risque d’identifier une fausse paroi sporale (Fig. 4).

Fig. 4
Fig. 4. A : Lorsque le diaphragme est ouvert correctement, on n’aperçoit qu’une ligne de Becke. B : En fermant le diaphragme, de nouvelles lignes apparaissent. C : Lorsque les spores sont proches l’une de l’autre, les lignes de Becke s’entrecroisent. Spore de Cortinarius caperatus.

Notes :
La terminologie adoptée dans cet article pour décrire la paroi sporale est celle qu’utilise Clémençon (voir les références). Tous les mycologues n’adhèrent pas à cette terminologie et on peut trouver dans la littérature des références à des structures non décrites ici.

Références :

  • Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer : 171-203
  • Largent, D., Johnson, D., Watling, R. (1977). How to Identify Mushrooms to Genus III: Microscopics Features. CA, É.-U.: Mad River Press Inc. : 100-102
  • Izarra, Z. de (Édition revue et corrigée, octobre 2007). Introduction à l’étude microscopique des champignons. Société Mycologique du Poitou. Bulletin Spécial numéro 5b: 38-42

Merci à Roland Labbé pour la révision du texte.

* Ce texte est paru dans le Boletin de novembre 2013 Volume 60 Numéro 4

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