Gluant, glutineux, collant, etc.

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Il arrive souvent que le chapeau d’un champignon soit collant, visqueux, ou qu’il le devienne après que nous l’ayons légèrement humidifié.

Cette consistance visqueuse se remarque surtout sur le revêtement externe du chapeau appelé pileipellis en microscopie, mais peut aussi se rencontrer sur d’autres parties du champignon.

Un pileipellis peut prendre plusieurs formes qui portent des noms descriptifs comme cutis, trichoderme ou tomentum. Lorsqu’un pileipellis est gélatinisé, on ajoute le préfixe ixo- à son nom qui devient ixocutis, ixotrichoderme, ixotomentum, etc. (Clémençon, 2012; Fortin, 2018).

Sur la figure 1 on observe un pileipellis en ixocutis de Kuehneromyces marginellus. Ce type de revêtement est formé d’hyphes régulières, subparallèles, gonflées ou non, disposées radialement dans une matrice gélatineuse. On remarque que le tissu gélatinisé ne prend pas les colorants.

Fig.1 : un pileipellis gélatinisé observé à faible grossissement (100x).

La figure 2 montre un pileipellis en paraderme non gélatinisé de Panaeolina foenisecii. Les hyphes qui le composent prennent le colorant, leurs contours sont bien discernables et elles sont en relation les unes avec les autres. Un paraderme est un pileipellis multicouche formé de courtes cellules polyédriques arrondies.

Fig.2 : un pileipellis non gélatinisé en paraderme (100x).

Qu’est-ce qui donne cette consistance gélatineuse à un pileipellis et comment cela se  présente-t-il en microscopie optique ?

Il est habituellement assez facile de reconnaître un chapeau gélatinisé lors de la cueillette. On n’a qu’à penser au genre Suillus dont plusieurs espèces ont des chapeaux gluants et visqueux qu’on reconnaît aisément.

De même, en microscopie, la différence entre un pileipellis gélatinisé et un pileipellis non gélatinisé se fait assez facilement.

Un pileipellis gélatinisé est généralement formé d’hyphes minces, cylindriques, à paroi mal définie et largement espacées qui semblent baigner dans une masse incolore très hydrophile qui gonfle fortement dans l’eau. Cette matrice gélatineuse est sécrétée par des hyphes gélifères ou provient de la paroi gélatinisée d’hyphes, due à un gonflement et une dissolution de cette paroi. Cette couche gélatineuse de surface aide à réduire la perte d’eau par évaporation et protège les basidiomes contre la déshydratation rapide. Les matrices gélatinisées ne prennent pas les colorants habituels, mais on peut les mettre en évidence avec des colorants spéciaux comme l’hématoxyline zirconium et le bleu alcian (Smith, 2000)

La figure 3 montre un ixotomentocutis de Lactarius chrysorrheus. Le tomentum est un revêtement relativement épais avec des hyphes disposées irrégulièrement, parfois ramifiées et peu gonflées. Un tomentocutis est un tomentum dont les hyphes sont comprimées et peuvent être tortueuses et emmêlées.

Fig.3 : un ixotomentocutis. Les hyphes irrégulièrement disposées semblent flotter dans une matrice gélatineuse (540x).

Un pileipellis non gélatinisé est formé d’hyphes terminales à contours bien discernables et en relation les unes avec les autres. De plus, il prend les colorants habituels. Voir la figure 4 qui montre le pileipellis en cutis non gélatinisé d’un Pluteus cervinus.

Fig.4 : un cutis non gélatinisé (400x).

Lorsqu’un pileipellis possède plusieurs couches, on les nomme, de l’extérieur vers l’intérieur du chapeau, suprapellis, médiopellis et subpellis. Sur la figure 5, on observe le détail du suprapellis en ixotrichoderme d’un Boletus chippewaensis. Un trichoderme est formé d’hyphes redressées, irrégulières, modérément gonflées.

Fig.5 : détail d’un ixotrichoderme dans lequel des hyphes minces, cylindriques, à paroi mal définie, largement espacées, baignent dans une masse gélatineuse (400x).  

Le pileipellis en cutis d’un Turbinellus floccosus observé sur la figure 6 est formé d’hyphes gonflées, non bouclées, régulières, subparallèles et disposées radialement.

Fig.6 : un cutis typique (400x).

En conclusion, les revêtements gélatineux de certains champignons sont formés par des hyphes gélifères et par la paroi gélatinisée des autres hyphes qui s’y trouvent. Ils ne prennent pas les colorants habituels. Ces contextes gélatineux protègent les basidiomes contre la déshydratation.

Dans la littérature mycologique, on rencontre différents termes comme gélin, masse gélatineuse, gluten ou gélatine pour décrire la matière des contextes gélatinisés. De tous ces termes, « gélin » semble le plus approprié. Il est d’ailleurs utilisé depuis longtemps dans la littérature française (p. ex. : Maire, 1910)

Quelques définitions :

Gélatine : substance protéinique, transparente ou légèrement jaune, presque sans goût et sans odeur, dérivée du collagène et obtenue par l’ébullition prolongée de tissus conjonctifs ou d’os d’animaux. Elle prend facilement plusieurs colorants.

Gélin :  tissu translucide et mou, ayant l’apparence de la gelée qui forme une couche mucilagineuse sur les surfaces des champignons dits « gélatinisés ». Le gélin ne prend pas les colorants usuels et reste hyalin contrairement aux hyphes qui y baignent, lorsqu’on colore le spécimen.

– Gluten : couche visqueuse, collante ou gluante, formée d’hyphes gélatinisées dissoutes (glossaire de Mycoquébec).

Ne pas confondre avec le gluten (ou glutine), substance qui regroupe un ensemble de protéines que l’on retrouve dans le blé, le seigle et l’orge.

– Gélatinisé : se dit d’un revêtement dont les hyphes sont dispersées dans une substance gélatineuse.

Mucilage : un mucilage est une substance gélatineuse formée de polysaccharides, qui gonflent au contact de l’eau en prenant une consistance visqueuse et collante, semblable à la gélatine. La quasi-totalité des hyphes des Hyménomycètes est recouverte d’une couche mucilagineuse qui serait produite par un gonflement et une dissolution de la paroi hyphale.

Hyphes gélifères : ce sont des hyphes génératrices modifiées dont la face externe de la paroi peut se gélatiniser ou sécréter une substance gélatineuse.

Références :

Remerciements :

Mes remerciements à Jacques Landry, Marcel Lecomte et Johanne Paquin pour leur aide.

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