Peziza varia, une pézize à l’allure variable, englobe maintenant Peziza micropus et Peziza repanda

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Changement à l’index des champignons du Québec

par Herman Lambert


Les espèces du groupe Peziza varia sont difficiles à distinguer. Ainsi, au Québec, les différences entre les 3 espèces reconnues dans ce groupe, P. micropus, P. repanda et P. varia, étaient mineures.. D’ailleurs, en 2002, Hansen et al. avaient jugées ces Peziza identiques et avaient proposé de regrouper les 3, avec une quatrième, P. cerea, sous le nom de P. varia. Ce concept semble maintenant bien accepté (Beug et al. 2014). Mycoquébec élimine donc P. micropus et P. repanda de son index et regroupe les spécimens ainsi identifiés sous le nom de Peziza varia.


 Le genre Peziza

On rencontre régulièrement, lors de nos excursions, des champignons en forme de coupe plus ou moins évasée, très fragile : les « pézizes ». Ces champignons font partie de la division des ascomycètes, champignons dont les spores sont formées dans un sac : l’asque. Le plus souvent de coloration brunâtre, ils ont parfois, surtout au début de leur croissance, des couleurs vives dans les tons de bleu, violet, jaune, orange et même rosé. Cette forme de champignon regroupe plusieurs genres.Différents-ascomycètes Au printemps, on peut ainsi rencontrer Sarcoscypha austriaca de couleur rose intense et Caloscypha fulgens dans les tons de bleu et vert. En été et automne, plusieurs petites espèces sont communes et attirent facilement l’attention dont Aleuria aurantia de couleur orange, Scutellina scutellata de couleur rouge orangé, dont la cupule est entourée de cils noirs, Tarzetta catinus en coupe brune et perforée, et Chlorociboria aeruginascens, petites pézizes bleutées dont le substrat (bois pourri) est aussi coloré.

Les plus grosses pézizes, rencontrées durant toute l’année, font pour la plupart partie du genre Peziza, qui est un terme beaucoup plus restrictif que les termes français « pézizes ». Reconnaître ces grosses espèces comme une Peziza est relativement facile, cependant la détermination de l’espèce est souvent hasardeuse. Il est possible qu’il s’agisse de P. phyllogena si le violet est dominant, de P succosa lorsqu’il y a changement de couleur de l’ascome à la cassure ou suite à l’action de chenilles qui percent l’excipulum et, en première approximation, souvent, de P. repanda, une pézize reconnue comme très répandue, P. varia ou P. micropus, si elle est plutôt brune et si le substrat convient.

Pour une fois, une étude phylogénique simplifie les choses.

Hansen et al , dans leur publication de 2002, ont analysé l’ADN ribosomal de 83 spécimens d’un groupe particulier de champignons du genre Peziza, celui contenant l’espèce type, Peziza vesiculosa. Ces analyses ont subdivisé ce groupe en 7 lignées distinctes (I à VII) regroupées en deux clades majeurs (A et B). Ce classement basé sur la génétique est en accord avec la morphologie des espèces; le clade A (lignées I, II et III) regroupe les espèces de moins de 2 cm de diamètre en forme de coupe évasée ou en forme de disque, le clade B (lignées IV à VII) regroupe les espèces en forme de coupe profonde et grande apothécie. Les spores du clade A sont à surface lisse (sauf une espèce), la surface des spores du clade B est variable de presque lisse, finement verruqueuse à fortement verruqueuse, ou épineuse. La Table I montre les espèces étudiées et leur classement dans ces clades (les lignées IV et VI contiennent des espèces non identifiées au moment de la publication, P. sp.).

Lignées Espèce(s)
I P. vesiculosa, P. ammophila
II P. alcis, P. ampliata, P. domiciliana, P. fimeti, P. nivalis
III P. lohjaënsis
IV P. sp.
V P. arvernensis
VI P. echinispora, sp.
VII P. varia, P. cerea, P. micropus et P. repanda.

 

Autant sur la base des caractères morphologiques que de la séquence de l’ADN, les auteurs ont conclu que rien ne justifiait l’existence des espèces P. cerea, P. micropus et P. repanda dans le complexe P. varia. Les caractères morphologiques et environnementaux utilisés pour délimiter ces espèces, telles la variation de couleur de l’apothécie, la présence ou l’absence de pied, la striation de l’excipulum médullaire (P. micropus était caractérisé par une médulla bien développée), la forme des paraphyses (P. varia avait des paraphyses moniliformes), le substrat (plâtre, maçonnerie pour P. cerea; au sol, sur bois pourri ou fumé pour P. repanda), ne correspondent pas aux lignées déterminées par l’analyse de l’ADN. Le nom de P. repanda devant être rejeté, car la description morphologique originale de cette espèce ne correspond à aucun spécimen actuel (voir Encadré 1), le nom de P. varia est retenu par les auteurs. C’est donc P. varia qui regroupera désormais P. repanda, P. micropus et P. varia, un concept qui a également été adopté par Beug et al. (2014) dans leur monographie sur les ascomycètes de l’Amérique du Nord.  P. varia porte bien son nom. Elle est très variable autant en apparence qu’en écologie. (Fig. 1-3) Enfin, l’importance du substrat et de l’habitat des Peziza en général a été surestimée, car l’analyse de l’ADN a démontré que l’éventail des substrats et habitats des Peziza est beaucoup plus large que la description originale des espèces.

Encadré 1 : Le nom P. repanda est rejeté

Extrait de Hansen (2002)– Il n’a pas été possible de retrouver un spécimen type de P. repanda dans l’herbarium de Persoon. Nous pourrions utiliser le dessin original de Persoon comme référence, cependant cela ne clarifierait pas le statut de ce nom. Persoon a décrit son habitat avec l’expression ‘in sylvaticis ad terram’ (sur le sol des forêts). Fries a utilisé ce nom pour une espèce poussant sur de vieux troncs, principalement de Fagus, mais a inclus aussi un sol noirci comme substrat. Certains auteurs ont suivi Persoon, d’autres ont suivi Fries, et d’autres encore ont utilisé ce nom pour une espèce poussant sur sol et seulement exceptionnellement sur bois. Dans tous les cas, les spores sont lisses et sont de la taille de Peziza varia.[…] Puisque P. repanda ne repose pas sur un spécimen type et qu’il a été utilisé de façon inconstante, il est préférable de le traiter comme une désignation incertaine.

Fig. 1 : Peziza varia. Spores largement ellipsoïdes, lisses ou avec très fines verrues denses vues de face, non de profil, ou avec fines verrues basses et régulières, à paroi épaissie jusqu'à 0,5 µm, hyalines, inactives dans le Melzer, 14,5-16(17,5) x 8-9,5(10,5) µm
Fig. 1 : Peziza varia. Spores largement ellipsoïdes, lisses ou avec très fines verrues denses vues de face, non de profil, ou avec fines verrues basses et régulières, à paroi épaissie jusqu’à 0,5 µm, hyalines, inactives dans le Melzer, 14,5-16(17,5) x 8-9,5(10,5) µm
Fig. 2 : Peziza varia.
Fig. 2 : Peziza varia.
Fig. 3 : Peziza varia.
Fig. 3 : Peziza varia.

 

La nouvelle description de Peziza varia est maintenant affichée sur Mycoquebec.org (voir Encadré 2).

 

Encadré 2 : Nouvelle description de Peziza varia

Peziza varia (Hedw.) Fries
Syst. mycol. (Lundae) 2(1): 61, 1822.

Syn. : Peziza cerea Bull.
Peziza micropus Pers.
Peziza repanda Pers.

Apothécie : 2-15 cm de diam., cupuliforme à étalée, parfois convexe au début et déprimée au centre, infundibuliforme, sessile à substipitée, plissée, souvent avec marge distincte, crénelée, rugueuse, granuleuse à vésiculeuse, plus pâle à jaune-brun pâle, jusqu’à 1 mm de largeur

Hyménophore : lisse à granuleux, jaunâtre, ocre jaunâtre, brun-jaune, brun ocre, brun pâle, brun marron, brun-gris pâle à noisette

Face externe : lisse au frais, pâle à jaune-brun pâle, légèrement plus pâle que l’hyménophore, avec pruine gris blanchâtre au sec au début, puis furfuracée et blanc pure

Chair : jusqu’à 1,5 mm d’épaisseur, très cassante, molle-aqueuse, sans latex

Sporée : blanche

Asques : operculés, avec anneau apical amyloïde, (220)240-270 x (12-)13-16 µm

Paraphyses : typiquement légèrement étroitement élargies vers l’apex, hyalines à jaunâtre pâle, à cellule apicale souvent à contenu finement granuleux, 45-65 x 4,5-7,5 µm

Spores : largement ellipsoïdes, lisses ou avec très fines verrues denses vues de face, non de profil, ou avec fines verrues basses et régulières, à paroi épaissie jusqu’à 0,5 µm, hyalines, inactives dans le Melzer, 14,5-16(17,5) x 8-9,5(10,5) µm

Excipulum : a) medulla en textura globosa, formé de cellules jusqu’à 65 µm de diam., et d’une couche horizontale de 100 µm d’épaisseur environ, avec des hyphes surtout parallèle au centre, non renflées, de 5-10 µm de diam. b) excipulum ectal formé d’hyphes cylindriques, non renflées, jusqu’à 5-10 µm de diam

Mode de croissance : typiquement grégaire, largement attaché

Écologie : saprotrophique; sur bois décortiqué de feuillus, bouleaux, chênes, hêtres, peupliers, saules et ormes, ou plâtres, murs de briques, et typiquement sur sol riche, bran de scie, débris ligneux, feuilles, gravelle et sous-bassements humides

Période : toute l’année

Fréquence : commune

Comestibilité : non comestible

Remarques : Cette pézize a été distinguée de P. cerea et de P. micropus par la présence de paraphyses moniliformes, lesquelles peuvent se former en conséquence d’un haut taux d’humidité dans le microenvironnement. Ce caractère n’a donc aucune valeur taxonomique. P. micropus différait par son excipulum médullaire formé d’hyphes relativement peu colorées, contrairement à celui de P. varia dont les hyphes sont pigmentées de brunâtre. Puisque qu’aucun matériel type n’a été localisé pour P. repanda et que ce nom a été utilisé de manière incompatible, il est préférable de la considérer comme un taxon douteux.

Références

  • Ginns, J.  (1980) Fungi Canadenses. 169, 1-2.
  • Hansen, K., Laessøe, T., and Pfister, D. (2002). Phylogenetic diversity in the core group of Peziza inferred from ITS sequences and morphology. Mycol Res 106, 879–902.

Adaptation : Roland Labbé, septembre 2014.

 

Description générale des Peziza

Le genre Peziza fait partie de la famille des Pezizaceae des Ascomycota. Leurs apothécies sont sessiles ou ont parfois un pied très court. Elles sont en forme de coupe plus ou moins profonde ou en forme de disque d’un diamètre de 1 à 15 cm. La surface interne, l’hyménium, est lisse à parfois plissée. La surface externe peut être lisse, furfuracée, pruineuse-tomenteuse ou poudrée-granuleuse et régulièrement plus pâle que la surface interne. La marge de l’apothécie est soit lisse, denticulée, tuberculeuse, ou grossièrement lobée. La chair est mince, parfois translucide, cassante, dans les tons de brun clair à brun foncé avec des reflets parfois verdâtres, pourpres ou jaunâtres. Quelques espèces sont dans les tons de bleu plus ou moins intense. La couleur des apothécies diminue d’intensité avec l’âge. La chair peut exsuder un suc hyalin ou jaunâtre.

Caractères microscopiques

Les asques, contenant 8 ascospores unisériées, sont cylindriques à un peu clavés, operculés et l’apex est amyloïde. Les ascospores sont ellipsoïdes, avec ou sans guttule(s), à paroi épaisse, parfois amyloïdes, à surface lisse ou finement à fortement verruqueuse, réticulée ou épineuse (surtout aux extrémités). Les paraphyses sont cylindriques, septées, parfois ramifiées, un peu clavées à l’apex, droites ou parfois courbes, contenant parfois des pigments granuleux. Selon certaines conditions, les hyphes des paraphyses sont gonflées, on dit alors que les paraphyses sont moniliformes, ce caractère n’est pas d’utilité taxonomique. L’excipulum est en textura globula-angularis de 2 à 5 couches, il peut y avoir une médulla intermédiaire formée d’une couche bien définie d’hyphes en textura intricata.

Observations sur le terrain

L’observation de certains caractères macroscopiques permet l’identification sur le terrain de quelques pézizes, ou tout au moins permet de réduire considérablement le nombre d’espèces possibles. Voici les caractères importants ;

  • La taille des individus matures
  • La couleur des jeunes individus (plusieurs pézizes perdent leur coloration lorsque matures)
  • La présence de suc, sa couleur et son changement de couleur à l’air
  • La forme des spécimens; coupe profonde ou étalée
  • La croissance grégaire ou cespiteuse
  • La période de croissance

Le substrat n’est pas un caractère discriminant, beaucoup de pézizes poussent autant sur le bois pourri, les places à feu que sur le sol. La couleur des individus matures varie selon l’exposition au soleil, mais est fiable pour les jeunes spécimens. La présence de suc se vérifie dès la récolte en piquant le spécimen et en observant à la loupe la présence de liquide suintant de la plaie. Il faut être attentif aux changements possibles de la couleur du suc et/ou de la chair.

 

Observations microscopiques

La microscopie des Peziza est facile à effectuer. Combiné aux observations macroscopiques ci-haut, l’observation d’asques cylindriques, operculées, à 8 spores unisériées dont l’apex est amyloïde au lugol, de paraphyses cylindriques et septées et d’un excipulum en textura globulosa-angularis confirme le genre. Les caractères suivants confirmeront l’espèce ;

  • Présence ou non de guttules dans la spore
  • Ornementation des spores
  • Dimension sporale
  • Forme de l’apex des paraphyses, avec ou sans pigments et granulations
  • Paraphyses ramifiées ou non
  • Présence ou non d’une médulla formée d’hyphes bien délimitées
  • Présence ou non d’hyphes lactifères

La dimension des asques n’a que peu d’importance, celle-ci varie selon leur position (centrale vs en périphérie de l’apothécie). Les trois premiers points sont déterminants pour identifier l’espèce, les 4 suivants sont de moindre importance. Donc en microscopie, la présence ou non de guttules, l’ornementation et la dimension des spores sont suffisantes pour identifier l’espèce (Péan, 2012). Il est impératif d’observer les spores provenant d’une sporée, prélever une partie de l’hyménium pour observer les spores est hasardeux, car on observera essentiellement des spores immatures qui auront une ornementation incomplète et une taille plus petite que les spores matures. Une clé des principales Peziza avec une photo de leur spore est disponible sur MycoDB.

En exemple, voici des images des apothécies et spores de 5 autres espèces du genre Peziza rencontrées au Québec.

 

Peziza michelii
Fig.4 : Peziza michelii : Spores avec des verrues obtuses ± anastomosées, au maximum 17 µm

 

Peziza praetervisa
Fig.5 : Peziza praetervisa à fines verrues, jusqu’à 15 µm de longueur

 

Peziza echinospora
Fig.6 : Peziza echinospora : Spores à verrues épineuses proéminentes, normalement pas plus longues que 18-19 µm.

 

Peziza badia
Fig.7 : Peziza badia : Spores 1-2 guttules, moyennement longues 17-20(22) µm.

 

Fig. 8. Peziza phyllogena : Spores presque fusiformes, vers 18-22 µm avec des fines verrues obtuses, isolées et partiellement anastomosées.
Fig. 8. Peziza phyllogena : Spores presque fusiformes, vers 18-22 µm avec des fines verrues obtuses, isolées et partiellement anastomosées.

Référence ;

  1. Hansen, K., Laessoe, T., and Pfister, D. (2002). Phylogenetic diversity in the core group of Peziza inferred from ITS sequences and morphology. Mycol Res 106, 879–902.
  2. Hohmeyer H, (1986). Une clé pour les espèces d’Europe du genre Peziza, Zeitschrift fur Mykologie, 52 (1), 1-248
  3. Essai de clé de terrain des Pezizaceae du Nord-ouest du Pacifique, préparé pour les clés du Conseil du Nord-ouest Pacifique, par Elsie Coulter, Association Mycologique du Nord de l’Idaho, Avril 1988, révisé Mai 1998.
  4. Michael Beug, Alan E. Bessette and Arleen R. Bessette. Ascomycete fungi in North America, 2014
  5. Péan, G.  (2012) Clé des pézizes Jamoni, MycoDB, Base de données mycologiques,  http://www.mycodb.fr/key.php?file=Pezizes_Jamoni.cle

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