= Tricholoma aureorobustum Lamoureux ined.
par Yves Lamoureux
L’auteur nous rapporte la découverte d’un nouveau tricholome, Tricholome robuste et doré (Tricholoma aureoeobustum Lamoureux ined.), une espèce qui n’a jamais été décrite ni d’Amérique, ni d’Europe. Ce tricholome s’apparente de par sa forme à T. davisiae ou à Tricholoma robustipes Y. Lamoureux nom. prov., mais c’est à T. arvernense qu’il ressemble le plus. Il apparait sur les pages de Mycoquébec sous le nom de Tricholoma aff. arvernense. Ce texte a été publié initialement sur la page Flickr de l’auteur.
LA DÉCOUVERTE DE L’ESPÈCE
Ce tricholome a été vu quatre fois en 2017, toujours exactement au même endroit. Il a d’abord été récolté lors d’une excursion organisée conjointement par le Cercle des mycologues de Montréal et le Club des mycologues des Laurentides. C’était le 9 septembre et le temps était sec depuis des lustres. Mais la nuit, la rosée était forte et le sol était détrempé au petit matin.
Trois gros basidiomes étaient disposés sur une des tables d’exposition des récoltes. Le responsable de l’identification des champignons ce jour-là, Carlo Farnesi (un de mes mentors), m’a interpelé après avoir vu ces tricholomes qu’il ne reconnaissait pas. À la question: « Yves, tu as une idée? », je lui ai répondu ce que je pense encore aujourd’hui de l’espèce: « On dirait avant tout robustipes mais le type de forêt ne convient pas. Il fait aussi penser à davisiae mais il n’a pas son mamelon pointu ».
Comme il n’y avait pas de jeunes basidiomes et que ceux présents avaient été beaucoup manipulés, j’ai seulement rapporté un spécimen pour le faire sporuler et l’étudier au microscope. Pas de doute, Carlo et moi ne l’avions pas reconnu sans raison, il s’agissait d’une espèce que nous n’avions jamais vue. Dorénavant, « je l’avais dans le radar ».
Le lendemain, je suis retourné sur le site et j’ai choisi de suivre la piste où le plus grand nombre de mycologues étaient allés se promener pendant la sortie. La piste du belvédère. Bingo! Je suis tombé sur l’endroit précis de la récolte. C’était évident parce que d’autres basidiomes avaient été laissés sur place, renversés et cassés. Mais il y en avait un gros qui n’avait pas été cueilli. Une fois de plus, je le rapporte pour m’assurer qu’il s’agit bien de l’espèce en question. Je mesure à nouveau les spores et j’obtiens les mêmes mensurations.
Je retourne au même endroit quatre jours plus tard, le 14 septembre, et une nouvelle poussée s’est produite. C’est alors que je récolte les basidiomes ci-dessus en vue d’en faire une collection avec photographie. Je procède ensuite à un examen microscopique complet.
Finalement, je retourne sur le site à nouveau le 23 septembre, en pleine canicule, afin de mieux connaître la variabilité de l’espèce. Un autre gros basidiome est présent! Comme tous les autres spécimens vus dans l’année, environ une vingtaine, ce dernier n’a pas de mamelon pointu. Je suis encore allé visiter le même endroit à nouveau la semaine suivante et vers la mi-octobre, mais aucun autre basidiome n’était présent.
DESCRIPTION
Ce tricholome se reconnaît à son port robuste, à son chapeau non visqueux, principalement dans les tons de jaune avec l’âge, à ses lames blanchâtres, à son pied blanc, et à son odeur et sa saveur de farine mouillée ou de concombre.
Son habitat sous conifères et ses caractères microscopiques confirment son unicité.
Chapeau 6-13 cm, campanulé puis étalé, souvent avec un bas et large ombon, ni visqueux ni hygrophane, parfois pruineux sur le disque, plus foncé au centre, à fibrilles innées noirâtres sur fond jaune d’or à orangé, parfois à reflets verdâtres sur le disque, méchuleux vers la marge avec l’âge.
Lames sinuées, blanchâtres, serrées, minces, très larges (jusqu’à 15 mm), régulières et concolores à l’arête. Sporée blanche.
Pied 7-13 x 1,5-3 cm, robuste, plein puis farci, plus ou moins ventru, parfois clavé, souvent fusiforme, blanc pur, strié-fibrilleux, sec, se tachant parfois quelque peu de jaune, de saumon ou de brun.
Chair blanchâtre, fibreuse.
Odeur fortement farino-cucumique. Saveur semblable, ni amère ni âcre même après un long moment de mastication.
Spores hyalines, courtement ellipsoïdes, 5-6 x 4,2-4,5 µm, surtout 5,5 x 4,3 µm. Qe= 1,3.
Cheilocystides abondantes (arête lamellaire stérile), pyriformes à subglobuleuses, atteignant 8-20 µm de largeur.
Épicutis en trichoderme, non bouclé, à pigment à la fois intracellulaire et finement incrusté.
Remarques
Par son chapeau sec et jaune doré à maturité, la présence d’abondantes cheilocystides subglobuleuses et ses hyphes piléiques non bouclées, cette espèce forment un trio avec les espèces américaines T. robustipes et T. davisiae.
Elle est avant tout très semblable à T. robustipes Y. Lamoureux ined. (= T. quercetorum Y. Lamoureux nom. illegit. non Contu), mais ce dernier ne se lie qu’au chêne rouge et ses spores sont plus grandes, de 6,5-7,5 x 4,5-5,5 µm. T. davisiae possède également un revêtement piléique semblable; toutefois, le chapeau de ce dernier possède toujours un mamelon proéminent et ses spores sont aussi plus grandes, de 6,5-8 x 4-5 µm.
En Europe, l’espèce la plus ressemblante à vue d’oeil est T. arvernense. Celle-ci diffère par son épicutis bouclé et ses cheilocystides nettement plus étroites.
Enfin, on peut aussi comparer notre collection à T. subaureum Ovrebo, espèce américaine peu connue. T. subaureum diffère par sa taille plus petite (chapeau 2-7 cm), par son habitat sous chêne et hêtre, et par ses spores plus grandes, de 6,2-7,6 x 4,8-5,7 µm. Après T. robustipes, c’est le taxon américain apparemment le plus proche.
Conclusion
Compte tenu de l’habitat de ce tricholome, il est certain qu’il se trouve ailleurs au Québec et qu’il a simplement été confondu avec des espèces du groupe sejunctum, à chapeau viscidule et à lames acystidiées, ou avec T. robustipes, répandu dans les chênaies un peu plus au sud.
OUVRAGES CONSULTÉS
BON, M., 1991. «Flore mycologique d’Europe. 2. Les tricholomes et ressemblants. Tricholomataceae (Fayod) Heim — 1ère partie.» Doc. Mycol., Mémoire hors série no 2. Association d’écologie et mycologie, Lille, 163 p.
CHRISTENSEN, M. & J. HEILMANN-CLAUSEN, 2013. «The genus Tricholoma. Fungi of Northern Europe — Vol. 4.» Swampetryk, Copenhagen, 228 p.
KNUDSEN, R. & J. VESTERHOLT (Éd.), 2008. «Funga nordica. Agaricoid, boletoid and cyphelloid genera.» Nordswamp, Copenhagen, 966 p.
OVREBO, C. L., 1980. «A taxonomic study of the genus Tricholoma (Agaricales) in the Great Lakes region.» Ph. D. Thesis, Univ. of Toronto, 308 p.
OVREBO, C. L., 1986. «Three new species of Tricholoma with a description of Tricholoma luteomaculosum.» Mycologia, 78 : 418-425.
RIVA, A., 1984. «Tricholoma (Fr.) Staude.» Fungi Europaei 3, Candusso, Stampato, 618 p.
RIVA, A., 2003. «Tricholoma (Fr.) Staude, Supplemento.» Fungi Europaei 3A, Candusso, Alassio, pp. 626-827.
SHANKS, K. M., 1997. The Agaricales (gilled fungi) of California. 11. Tricholomataceae II. Tricholoma. Mad River Press, Eureka, 54 p.
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