La témérité à identifier un champignon pour la bouffe
par Tim Jones
Traduction de Can I eat it? Can I eat it? Can I eat it? 1 adapté par Guy Fortin et Johanne Paquin avec l’aimable autorisation de Tim Jones
Récemment, sur un forum Facebook dédié à la mycologie, quelqu’un demandait, « Lorsque vous publiez une photo de champignon, pourriez-vous s’il vous plait, dire si on peut le manger ou s’il est toxique? »
Sur Facebook et lors des excursions, c’est souvent la première, et parfois, la seule question que plusieurs posent.
Mais ce n’est pas aussi simple. La question suppose qu’on veut savoir si le spécimen de la photo est comestible ou toxique, et cela, sans incertitude. Et pourtant, en réalité, la plupart des champignons ne sont ni comestibles ni toxiques.
Chacun mange ce qu’il décide de manger et tient pour acquis que la laitue qu’il achète à l’épicerie est comestible, elle peut pourtant être contaminée! Méfiez-vous! J’adore les mélanges montagnards, mais les amandes et les noix de cajou peuvent provoquer un choc anaphylactique chez quelqu’un d’allergique. Si vous êtes allergiques, méfiez-vous aussi pendant que je mange ma barre tendre! Et bien sûr, on ne parle pas des goûts personnels. Parfois, même le plus intrépide goûteur, dédaigne des aliments que tout le monde aime, comme les plats très épicés, les abats ou le fromage Stilton (ou un bon Roquefort! NdT).
Avec les champignons sauvages, la question « Est-ce que je peux le manger? » devient plus délicate. Si quelqu’un publie la photo d’une chanterelle sur Internet, mon premier réflexe est de dire: « Bien sûr, bon appétit! »
Mais, pensons à ce que je ne peux pas voir sur la photo : habituellement, je ne connais rien du niveau de compétence ou d’expérience de la personne qui a publié la photo. Même s’il s’agit d’une photo qui représente bien une chanterelle la personne a peut-être cueilli en même temps, d’autres espèces qui lui ressemblent? Je ne peux pas voir si le spécimen est contaminé par des larves d’insectes. Je ne peux pas voir s’il a poussé le long d’une autoroute et est pollué. Je ne peux pas dire si, après que la photo a été prise, le spécimen est resté un certain temps dans une voiture chaude et s’est gâté. Souvent, des détails essentiels à l’identification comme l’habitat, le substrat, la couleur de la sporée et d’autres caractéristiques importantes n’accompagnent pas la photo. Alors, comment procéder lorsqu’on est une personne prudente?
Ensuite, il y a la taxonomie. Même si je suis flatté quand quelqu’un pense que je sais ce que je fais, je suis intimidé par la responsabilité que j’ai de décider si quelque chose peut être mangé en toute sécurité. Quand on vous dit sur Internet qu’un tel champignon est comestible, comment pouvez-vous savoir que celui qui vous dit cela est qualifié pour le faire? Et si vous supposez qu’il ou elle est qualifié(e) pour le faire, êtes-vous certain de pouvoir manger des champignons qui ressemblent un peu à ceux qui sont sur la photo?
N’est-ce pas une perspective angoissante?
En réalité, je ne suis pas un bon taxonomiste. Après une douzaine d’années d’études des champignons comme passe-temps à temps partiel, je peux identifier quelque 50 champignons jusqu’à l’espèce. Quant aux comestibles, je connais mes limites. Il y a une poignée d’espèces avec lesquelles je suis assez à l’aise pour ne pas m’empoisonner ou empoisonner les autres. Ma prudence m’a bien servi jusqu’à présent. Mes proches (et mon foie) peuvent dormir en paix, ils ont l’assurance que je ne veux pas tester les limites de la mycophagie.
Cela ne signifie pas que vous pouvez me faire confiance sur Internet.
Le Dr John Dawson, du « Eastern Penn Mushroomers club », une filiale de la « North American Mycological Association », nous fait part de ses réflexions:
« Une des fonctions les plus importantes de notre club est d’aider les novices à accroître leur connaissance des champignons et leur compétence en identification; voici ce que nous leur conseillons :
La question la plus fréquemment posée par les nouveaux arrivants à une excursion est : Est-ce que ce champignon est comestible? C’est une question naturelle, puisque la cueillette pour la table est l’objectif principal de plusieurs chasseurs de champignons. Malheureusement, les identificateurs expérimentés sont portés à répondre à cette question de la même façon que les parents répondent à leurs enfants lorsqu’ils leur posent cette question: Est-ce qu’on arrive bientôt? C’est parce que, posée de cette façon, cette question n’est pas une bonne question, et pour deux raisons.
D’abord, nous constatons qu’il n’y a que trois réponses possibles : Oui, Non ou Je ne sais pas sans une étude plus poussée, et même là, je ne serai peut-être pas en mesure de le dire. Et peu importe la réponse, celui qui pose la question n’apprendra rien de plus que la comestibilité de ce spécimen particulier. Chaque fois que cette personne trouvera un autre champignon, il posera la même question.
Deuxièmement, la question remet tout le fardeau du travail sur le répondant, alors que l’objectif de celui qui pose la question devrait être de développer ses compétences pour, à l’avenir, identifier lui-même ses trouvailles. Il serait préférable qu’il demande: Comment savoir si ce champignon est comestible, ou non ou mieux: Comment puis-je m’y prendre pour identifier ce champignon?
Ces questions, posées de cette façon, expriment à la fois un intérêt à apprendre à reconnaître les champignons et la preuve que ce sera un jour la responsabilité de celui qui pose la question de décider si un champignon peut être mangé ou non. »
En conclusion, il n’y a pas de raccourci pour acquérir les compétences nécessaires pour faire les bons choix quand il s’agit de manger des champignons sauvages. L’étude, l’effort et l’expérience sur le terrain avec un mentor qualifié sont indispensables. Et les meilleures questions amènent souvent de meilleures réponses.
« Bon appétit! »
Publié dans le numéro de Juillet-Septembre de l’Arkansas Fungi, le bulletin de l’Arkansas Mycological Society. Dans l’ordre, nos remerciements vont à John Dawson, Bill Yule et Jay Justice pour leur sagesse et leur aide.
1L’original de cet article est disponible à cette adresse :
kc
Est-ce possible de remettre le lien vers l’article d’origine? Ce lien facebook ne fonctionne pas. Merci!
mycoqueb
Le lien vient d’être corrigé. Merci
Simon
Poste, posté… De beaux anglicismes. Publie et publié aurait été plus approprié.
En bonus : La question la plus fréquemment qui est posée par les nouveaux arrivants à une excursion est
Cette phrase là contient un <> de trop.
Simon
un qui est
mycoqueb
J’ai corrigé le texte à la place de Guy. Merci beaucoup de vos commentaires. Ceci nous avait échappé. Jacques Landry
Stephen Burman
Je n’aboutis pas encore. Voici le bon URL : https://m.facebook.com/notes/arkansas-mushrooms-and-fungi/can-i-eat-it-can-i-eat-it-can-i-eat-it/1764878297057961/
Aussi, je suis mêlé avec l’utilisation de « sans incertitude » dans le 3e paragraphe.
Stephen Burman
«There is no middle ground here» est habiturllrmrnt traduit par «Il n’y a pas ici de position mitoyenne possible».
mycoqueb
Les liens sur Facebook change lorsque le nom du groupe dans lequel est publié l’article change. La meilleure façon de trouve l’article original est de chercher sur Google. C’est la troisième fois que je l’ajuste.
Guy Fortin
Merci à vous deux
Pierre Rambaud (Le Cyclope)
Tout cela étant dit, corrections d’anglicismes, de certitudes incertaines et autres mises au poing(!), il convient de souligner (même à retardement) la pertinence de cette « intervention »…
À titre de complément, j’ajouterais que, non seulement la « comestibilité » d’un champignon (dit comestible) relève de l’expertise des cueilleurs, ou de celle des « entreprises » qui prétendent en avoir l’expertise, ainsi que des conditions d’utilisation (entreposage, transport, cuisson, etc…); mais aussi de la connaissance – par le « dégustateur » (!) – de ses propres tolérances ou.. intolérances!
Organisateur depuis six ans d’un repas qui se veut à la fois « Myco-Gastronomique » (donc assaisonné de champignons qualifiés de sauvages) et « vulgarisateur » (donc enrobé de propos mycologiques), avec toute la prudence et la discrétion (relative) propres à en faire un événement sans autre conséquence que le plaisir d’une bonne chère (et non pas chair…) éducative; je confirme que, malgré toutes les précautions prises, il est arrivé à quelques reprises en six ans que plusieurs personnes soient victimes à des degrés divers, d’intolérances aux champignons. Ce qu’ils ignoraient… Ce fut notamment le cas d’un seul des deux membres d’un couple ayant « dégusté » le même plat »! De la même façon que Je me suis moi-même découvert une « intolérance » aux crevettes asiatiques, alors que ma conjointe s’en régale avec un plaisir que je lui envie!!!
Merci, Guy.
PR
Ça se mange ? – CMAQ
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