Les spores des hyménomycètes

Classé dans : Général, Microscopie | 2

Guy Fortin

avec la collaboration de Roland Labbé

Les spores constituent des éléments microscopiques primordiaux dans la détermination d’un champignon. Guy Fortin et Roland Labbé nous expliquent comment les étudier.

Généralités

Les spores sont des propagules qui assurent la reproduction du mycélium et donc, du champignon. Elles sont également des éléments microscopiques primordiaux dans la détermination d’un champignon.

Chez les hyménomycètes, les spores produites par les basides à l’extrémité de stérigmates, se rattachent à ceux-ci par une excroissance appelée appendice hilaire.

L’étude des spores au microscope se fait sur des spores matures prélevées sur une sporée. Lorsqu’une sporée n’est pas disponible, on doit se contenter d’observer des spores prélevées sur le pied, l’anneau, la cortine, au fond des tubes ou sur le chapeau d’un autre champignon semblable lorsqu’il y a une sporée visible sur ce dernier. L’observation des spores directement sur une lame (l’hyménium) est aussi possible, mais celles-ci comprennent des spores matures et immatures et des spores anormalement déformées. Leur étude demande donc une bonne dose d’expérience. Les spores doivent être bien étalées sur la préparation pour être séparées les unes des autres.

 L’observation des spores se fait à 1000X en immersion, avec ou sans coloration selon le cas.

 Au microscope optique, la paroi sporale peut apparaître mince ou épaissie, simple ou stratifiée, lisse ou ornementée, incolore ou colorée et son épaisseur peut se mesurer. Les diverses couches et les ornementations peuvent prendre le Bleu coton, le Bleu de toluidine, le Bleu de crésyl, le Rouge Congo ou SDS, et réagir ou non aux solutions iodées.


Structure de la paroi 

L’étude de la paroi des spores s’appelle « pariétologie sporique » (Izarra 2006). Le suffixe « ‑sporium » est utilisé pour nommer les couches de la paroi sporale alors que le suffixe « ‑spore » est utilisé pour parler de la spore en général, comme dans basidiospore ou ascospore.

De l’intérieur vers l’extérieur de la spore, on rencontre successivement l’eusporium et le myxosporium qui sont constitués de la façon suivante (Fig. 1) :

Fig. 1 Structure de la paroi sporale.
  1. L’eusporium. Il est formé de l’endosporium et de l’épisporium et constitue la « vraie » paroi de la spore. Il est presque toujours incolore, résiste au KOH et serait l’équivalent de la paroi des basides et des hyphes.
    • l’endosporium, incolore et résistant au KOH, peut être parfois distingué de l’épisporium à cause d’un indice de réfraction différent de ce dernier. Lorsqu’il est assez épais, on peut voir deux parois incolores au microscope optique.
    • l’épisporium, aussi incolore et résistant au KOH, constitue la paroi fondamentale de la spore. Le pore germinatif, lorsqu’il est présent, est un trou dans cette paroi, comblé par du matériel provenant de l’endosporium.
  2. Le myxosporium. Il est formé de l’exosporium, du périsporium et de l’ectosporium et constitue la zone où se situent, si elles sont présentes, les ornementations, les pigmentations et les structures amyloïdes, dextrinoïdes ou cyanophiles. Toutes ces structures sont dissoutes dans le KOH.
    • l’exosporium contient les ornementations (verrues, épines, réticulations, etc.) de la spore, s’il y en a. Il est gélatineux, mais peut devenir cartilagineux. Il est soluble dans le KOH.
    • le périsporium, gélatineux, et aussi soluble dans le KOH, forme la paroi la plus externe visible au microscope optique parce que la couche suivante est invisible.
    • l’ectosporium est historiquement la dernière couche sporale à avoir été décrite. C’est une couche très mince et en général invisible chez les spores matures où elle forme une surface gélatineuse qui rend la spore visqueuse et collante. Ceci explique l’adhérence de la sporée au substrat, même lorsqu’elle est exposée à un souffle violent.

L’exosporium peut être incolore et ornementé comme chez les Russula, coloré et ornementé comme chez les Cortinarius, incolore et lisse comme chez les Lepiota et, coloré et lisse comme chez les Agaricus (Fig. 2, 3a et 3b).

Fig. 2 : A- Spore incolore et lisse. Lepiota cristata. B- Spore colorée et lisse. Agaricus sp. C- Spore incolore et ornementée. Russula compacta. D- Spore colorée et ornementée. Cortinarius caperatus.
Fig. 3a : Structure de la paroi des spores lisses, non colorées et colorées
Fig. 3b : Structure de la paroi des spores ornementées, non colorées et colorées

Mesures

 a- La longueur et la largeur

En général, il est nécessaire de mesurer la longueur et la largeur d’une trentaine (30) de spores comme indiqué à la Fig. 4.  Les ornementations et l’apicule ne sont pas inclus dans les dimensions à moins d’indications contraires. Ils sont mesurés indépendamment tout comme l’épaisseur de la paroi.

Fig. 4 : Exemples de prises de mesures sur différentes formes de spores

Expression des résultats

  • Les mesures sont placées par valeurs croissantes et divisées en 10 groupes comportant le même nombre d’éléments (les déciles).
  • On élimine les deux groupes extrêmes.
  • Les valeurs retenues correspondent aux valeurs extrêmes du nouvel échantillon soit les déciles 1 et 9.
  • On exprime les résultats sous la forme générale suivante :

(Mini) min – max (Maxi)

(Mini) et (Maxi) sont les valeurs exceptionnelles mesurées et min – max sont les valeurs extrêmes des déciles 1 et 9 et correspondent à 80% des mesures.

La formule dimensionnelle développée se présente comme sur cet exemple :

(4,5) 5,1 – 6,2 (6,7) × (3,9) 4,0 – 4,6 (5,4) µm
Me = 5,6 × 4,4 µm

  • (4,5) et (6,7) sont les valeurs exceptionnelles de la longueur
  • 5,1 et 6,2 sont les valeurs extrêmes des déciles 1 et 9 pour la longueur
  • (3,9 et 5,4) sont les valeurs exceptionnelles de la largeur
  • 4,0 et 4,6 sont les valeurs extrêmes des déciles 1 et 9 pour la largeur
  • Me est la valeur moyenne des mesures.

 b- Le Q sporique

 Il représente la forme de la spore, c’est le quotient de la longueur sur la largeur.

Q = L / l

  •  L = longueur, en µm
  •  l = largeur, en µm

Exemple de représentation

Q = (1) 1,2 – 1,45 (1,5); N = 32; Qe = 1,3

  • (1) et (1,5) sont les valeurs exceptionnelles du quotient
  • 1,2 – 1,45 sont les valeurs extrêmes des déciles 1 et 9 pour le quotient
  • N est le nombre de mesure et Qe, la valeur moyenne des valeur Q.

On qualifie les formes des spores selon leur valeur Q comme suit :

 Q < 1,05 = forme globuleuse

 Q > 1,05 et < 1,15 = forme subglobuleuse

 Q > 1,15 et < 1,30 = forme largement ellipsoïde

 Q > 1,30 et < 1,60 = forme ellipsoïde

 Q > 1,60 et < 2,00 = forme oblongue

 Q > 2,00 et < 3,00 = forme cylindrique

 Q > 3,00 = forme bacilliforme

 c- Le volume sporal (V)

 Il serait plus précis que le Q sporal

V = 4/3 π  (l/2)² L/2 
V = 0,52 x L x l²

  • V = volume en µm3
  • L = longueur, en µm
  • l = largeur, en µm
  • π = 3,1416

Morphologie

 a- Les spores de formes habituelles (Fig. 5)

Fig. 5 : Exemples de spores de formes habituelles

 b- Les spores de formes particulières (Fig. 6)

Fig. 6 : Exemples de spores de formes particulières

 c- Les spores ornementées (Fig. 7)

Fig. 7 : Exemples de spores ornementées

 d-Morphologies typiques de spores (Fig. 8)

Fig. 8 : Exemples de morphologies typiques de spores

 e-Photographies de spores communes (Fig. 9)


Fig. 9 : Photographies de spores communes. La dimension des spores est à l’échelle.
1- Agaricus bisporus. 2- Agrocybe praecox. 3- Amanita sp – section vaginatae. 4- Boletopsis grisea. 5- Boletus chippewaensis. 6- Cerioporus squamosus. 7- Cortinarius caperatus (à gauche ammoniaque, à droite, Melzer). 8- Cortinarius uliginosus. 9- Entoloma rhodopolium. 10- Fomitiporia sp. 11- Galerina marginata. 12- Ganoderma resinaceum. 13‑ Gomphus clavatus. 14- Gymnopus subsulphureus. 15- Gyroporus cyanescens. 16- Hymenopellis furfuracea. 17- Laccaria longipes. 18- Lactarius deterrimus. 19- Lentinellus sp. 20- Lepiota cristata. 21- Lepiota sp. 22- Lepista Irina. 23- Lepista nuda. 24- Leucoagaricus leucothites. 25- Leucocoprinus birnbaumii. 26- Pluteus cervinus. 27- Psathyrella delineata. 28‑ Russula sp. 29- Schizophyllum commune. 30- Stropharia rugosoannulata (à gauche ammoniaque, à droite, Melzer). 31‑ Tricholoma atrodiscum.

Remerciement

Merci à Jacques Landry pour ses conseils et sa lecture critique.

Références

  • Labbé R. (2015). Notes de cours pour les ateliers d’initiation à la microscopie des champignons. Cercle des mycologues amateurs de Québec
  • Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer
  • Izarra, Z. de. (2006). L’examen des champignons. Société Mycologique du Poitou. Bulletin Spécial numéro 6
  • Izarra, Z. de. (2006). Introduction à l’étude microscopique des champignons. Société Mycologique du Poitou. Bulletin Spécial numéro 5
  • Josserand, M. (1952). La description des champignons supérieurs. Paul Lechevalier éd., Paris : 270-274
  • McNeil, R. (2006). Le grand livre des champignons du Québec et de l’est du Canada. Éd. Michel Quintin. Québec
  • Largent, D., Johnson, D., Watling, R. (1977). How to Identify Mushrooms to Genus III: Microscopics Features. CA, É.-U.: Mad River Press Inc. : 36-38
  • Moore, D., Robson, G., Trinci, T. (2011). 21st Century Guidebook to Fungi. Cambridge University Press, New York
  • Kendrick, B. (2000). The Fifth Kingdom (3e éd.). Newburyport MA : Focus Publishing
  • Lecomte, M. & col. (2012). Séminaire de microscopie. Association des Mycologues Francophones de Belgique
  • Piximètre : la mesure de dimensions sur images, piximetre.fr (consulté en janvier 2019)
  • Webster, J., Weber, R. (2007). Introduction to Fungi (3e éd.). Cambridge. Cambridge University Press
  • Glossaire mycologique de Mycoquébec : www.mycoquebec.org
  • Matthieu, L. (2017). Les réticules en microscopie : montage et calculs de grossissement, www.blog.naturoptic.com (consulté en mars 2018)

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2 Responses

  1. Michel Roux

    Il est parfois difficile d’interpréter la bonne forme de la spore. Plusieurs se ressemblent beaucoup et devant l’imprécision de l’optique notre interprétation peut-être erronée n’est-ce pas?

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