Amanita fuscozonata Y. Lamoureux nom. prov.

L’Amanite zonée, une nouvelle amanite vaginée.

par Jacques Landry

 

Mycoquébec ajoutera sous peu deux espèces d’Amanite à son index. Il s’agit de Amanita fuscozonata et Amanita lividella, deux noms provisoires proposés par Yves Lamoureux pour décrire certains des spécimens appelés jusqu’à ce jour A. vaginata s.l.

Le genre Amanita est divisé en deux sous-genres selon la réaction de leurs spores au réactif de Melzer. Les amanites du sous-genre Lepidella ont des spores amyloïdes et sont regroupées en quatre sections : Amidella, Lepidella, Phalloideae, et Valideae. Les amanites du sous-genre Amanita ont des spores inamyloïdes. Dans ce sous-genre, Corner et Bas (1962) et Bas (1969) placent toutes les espèces avec un pied sans bulbe dans la section Vaginateae. Celles avec un bulbe sont dans la section Amanita. Plus tard, Yang (1997 et 2005) divise la section Vaginatae en une section Vaginatae au sens stricte et une section Caesareae. La première section inclut toutes les espèces sans anneau et sans boucles à la base des basides, alors que la deuxième contient celles avec un anneau et des boucles.

  • Lepidella (spores amyloïdes)
    • Amidella (Type : A. volvata)
    • Lepidella (Type : A. vittadinii , Québec : A. abrupta)
    • Phalloideae (Type : A. phalloides. Québec : A. virosa)
    • Valideae (Type : A. excelsa. Québec : A. amerirubescens)
  • Amanita (spores inamyloïdes)
    • Amanita (Type : A. muscaria, avec bulbe, au moins chez les jeunes)
    • Vaginatae ( Type : A. vaginata, sans bulbe, sans anneau, sans boucles)
    • Caesareae (Type : A. caesarea. Québec : A. jacksonii, sans bulbe, avec anneau, avec boucles)

La section Vaginatae est un casse-tête pour les mycologues. L’espèce type, A. vaginata, est elle-même sujette à des interprétations diverses. Correspondant à l’origine à un concept trop large, elle commence à être précisée, non seulement dans son lieu d’origine, l’Europe, mais partout dans le monde, par la définition de nouvelles espèces rapprochées. La section de Vaginatae devra aussi être précisée. Définie comme comprenant des amanites sans anneau, quatre espèces génétiquement associées à la section Vaginatae mais possédant pourtant un anneau viennent d’être découvertes en Afrique (Tang et al. 2015).

Au Québec, Pomerleau dans l’édition 1980 de son livre, décrit 3 amanites de la section Vaginateae : Amanita inaurata, Amanita vaginata et Amanita umbrinolutea. Il énumère, cependant, sans trop les décrire, d’autres formes de A. vaginata, que certains considéraient déjà comme espèces : A. vaginata var. fulva, A. vaginata var. alba ou A.vaginata var. nivalis.

Plusieurs autres espèces de Vaginatae ont été découvertes par la suite. Dans son livre publié en 2006, Yves Lamoureux en décrit 11 différentes. D’abord il précise le concept décrit par Pomerleau sous le nom de A. inaurata, une espèce européenne, en proposant deux nouvelles espèces, A. rhacopus et A. variicolor, espèces qui sont maintenant bien reconnues sur le terrain.

Amanita rhacopus
Amanita rhacopus
Amanita variicolor
Amanita variicolor

Il divise ensuite le groupe des Vaginata en deux, les moyennes et les grandes. Parmi celles de grande taille, il décrit deux espèces à qui il donne les noms provisoires de A. magna (possiblement A. umbrinolutea au sens de Pomerleau) et A. elongatior.

Amanita elongatior
Amanita elongatior
Amanita magna
Amanita magna

Parmi celles de taille moyenne, il reconnaît en plus de A. vaginata, A. fulva, A. sinicoflava et A. crocea, et nomme aussi 3 nouvelles espèces à titre provisoire, A. pseudofulva, A. subnigra et A. albiceps.

Amanita amerifulva
Amanita amerifulva
Amanita sinicoflava
Amanita sinicoflava
Amanita cf. crocea
Amanita cf. crocea
Amanita albiceps
Amanita albiceps
Amanita subnigra
Amanita subnigra
Amanita pseudofulva
Amanita pseudofulva

Dans la liste actuelle des espèces québécoises, quelques noms sont encore empruntés à d’espèces du continent européen. Il est probable qu’ils ne désignent pas les mêmes espèces sur les deux continents. D’ailleurs, Tulloss propose maintenant le nom provisoire de A. amerifulva pour remplacer A. fulva, et A. vaginata est maintenant désigné A. vaginata s.l. (au sens large) pour signifier qu’il s’agit probablement d’un complexe d’espèces autour du concept de A. vaginata européen.

D’autres espèces cachées sous le nom de A. vaginata s.l. restent à découvrir.  En 2007, Raymond McNeil découvre à Châteauguay une nouvelle « vaginée » qu’il identifie comme Amanita populiphila, identification qui est confirmée par Tulloss. Renée Lebeuf trouve à nouveau cette espèce rare l’année suivante et Fernand Therrien la trouve enfin dans la région de Québec, à l’Ile d’Orléans, en 2013.

Amanita populiphila
Amanita populiphila

C’est dans ce contexte qu’Yves Lamoureux nous propose maintenant dans ses pages Flickr de délimiter deux nouvelles espèces à l’intérieur de ce qui reste des A. vaginata s.l. Une première espèce nommée provisoirement A. lividella,  peu fréquente et de couleur crème rosâtre, sera présentée dans un futur blogue. La deuxième espèce, une espèce nommée provisoirement A. fuscozonata, correspond à la plus fréquente des amanites parmi celles que nous appelons encore A. vaginata s.l.

Amanita fuscozonata
Amanita fuscozonata

Voici la description de A. fuscozonata  telle que publiée sur l’une des pages Flickr d’Yves Lamoureux.

Amanita fuscozonata Y. Lamoureux nom. prov.

= Amanita vaginata ss. auctt. amer. p. p.

= A. vaginata ss. Lamoureux (2006).

Lamoureux 1645 (CMMF).

Caractères distinctifs 

Chapeau sillonné, nu, gris moyen à gris-brun foncé, souvent zoné (cocardé). Pied sans anneau, à volve blanche ou grisâtre. Sous divers feuillus.

Chapeau : 4-9 cm, ovoïde, conique-arrondi puis étalé-mamelonné, gris moyen à gris-brun, plus foncé au centre et dans la zone antémarginale, habituellement dépourvu de restes vélaires, à marge longuement sillonnée.

Lames : blanchâtres ou grisâtre pâle, grisâtres à la dessiccation.

Pied : 7-12 X 0,5-1,2 cm, non bulbeux, finement floconneux puis glabre, blanc ou grisâtre pâle, non annelé, émergeant d’une volve bien développée.

Chair : blanche, à odeur non distinctive.

Voile général : membraneux, blanc, parfois grisâtre par endroits, laissant une volve à la base du pied.

Voile partiel : absent.

Spores : blanches en tas, globuleuses, inamyloïdes, 9,5-11,5 x 8,5-11 µm.

Habitat, période de croissance et fréquence

Sous les chênes, les hêtres et les bouleaux, de juillet à septembre. Occasionnelle.

Remarques

Dans la photo ci-dessus, le chapeau du basidiome de gauche est couvert d’une partie de la volve; cela est accidentel. Il pousse parfois au Québec une autre entité plus petite, à chapeau gris cendré pâle à gris argenté, de coloration plus uniforme. Malheureusement, nous n’avons pas eu l’occasion de la récolter. Cette espèce cendrée et A. fuscozonata ont toutes deux été nommées à tort « Amanita vaginata » en Amérique du Nord. Le nom « fuscozonata » réfère au chapeau souvent plus foncé au centre et habituellement orné d’une zone plus foncée présente à l’extrémité des sillons (le terme «cocardé» décrit ce caractère).

Remerciements

Je remercie Roland Labbé et Yves Lamoureux pour leur relecture critique ainsi que Yves Lamoureux et Raymond McNeil pour la permission d’utiliser leurs photos.

Références

  • Lamoureux, Y. (2006). Champignons du Québec. Tome 2. Les Amanites. Montréal : Cercle des mycologues de Montréal. 109 pages, 26 planches photographiques.
  • Pomerleau, R. (1980). Flore des champignons au Québec et régions limitrophes. Les Éditions la Presse, Ltée, Montréal,  653 p.
  • Tang, L.P., Cai, Q., Lee, S.S., Buyck, B., Zhang, P. et Yang, Z.L. (2015). Taxonomy and phylogenetic position of species of Amanita sect. Vaginatae s.l. from tropical Africa. Mycological Progress 14, sous presse.
  • Tulloss, R. Studies in the Amanitaceae, Section Vaginatae. http://www.amanitaceae.org. Consulté en juillet 2015.

4 Responses

  1. Yves Lamoureux

    Merci Jacques. Bon travail!
    Je pense plutôt qu’umbrinolutea ss. Pomerleau désignait sinicoflava plutôt que magna, simplement parce que sinicoflava est commune, contrairement à magna, et que « lutea » (dans umbrinolutea) veut dire jaune, et sinicoflava est jaune (ombré de plus). On ne le saura jamais avec certitude, mais ce n’est pas sûr qu’il voyait magna, et il est certain qu’il voyait sinicoflava.
    Y 🙂

  2. Jacques Landry

    Merci Yves, le mérite, s’il en est un, te revient.

    Difficile à dire. Pomerleau décrit le chapeau de A. umbrinolutea comme mesurant 5-15 cm, « bistre au centre et à la marge, séparé par une bande brun pâle », et le pied brun fuligineux, 8-25 cm X 1-3,5 cm, « chiné, marbré, brun sur fond crème ». De la volve, il dit : « membraneuse et blanche ». De plus, A. magna est assez fréquente dans la région de Québec. On la voit tous les ans, à quelques reprises. D’ailleurs, son dessin pour l’illustrer est très ressemblant à A. magna (Voir Planche 110, no 3).

  3. Yves Lamoureux

    Oui, mais cette description, tout comme sa planche, ont été copiées dans des ouvrages européens. Donc cela ne veut rien dire… Moi-même j’ai déjà pensé que magna était sa umbrinolutea en suivant le même raisonnement.
    Mais comment aurait-il nommé sinicoflava? Pourtant bien plus commune…
    On spécule là, mais on s’amuse! Je parierais qu’il les nommait toutes les deux umbrinolutea.
    On ne le saura jamais. Y 😉

  4. Jacques Landry

    Roland, le sait peut-être. Il a fait des séances d’identification avec Pomerleau dans le CMAQ.

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