Hericium americanum

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Excursion dans un aiguillon

par Guy Fortin et Johanne Paquin

 

Hericium americanum (hericium : hérisson) ou l’hydne d’Amérique, est un champignon blanc, charnu, qui pousse sur le bois mort ou en décomposition. Il ressemble à une masse de petits glaçons arrivant d’une base commune, suspendue au substrat ou reposant sur celui-ci.

Ces petits glaçons sont des aiguillons d’environ 0,5-3 cm de longueur, blanchâtres au début, devenant jaunâtres puis rosâtres à brunâtres avec l’âge. (Fig. 1)

Fig-1
Fig. 1- Hericium americanum. ©Guy Fortin

 

Hericium americanum fait maintenant partie de la famille des Hericiaceae, de l’ordre des Russulales, mais il a longtemps été placé dans la famille des Hydnaceae et la description des hyphes de son contexte a été faite à partir du système mitique, un système développé pour décrire les polypores, mais traditionnellement aussi appliqué à plusieurs autres groupes (Tableau 1).

Dans le système mitique, le contexte de la chair de H. americanum est qualifié de monomitique, parce que toutes ses hyphes sont septées, bouclées et ramifiées. Cependant, la description de ses hyphes gagne en précision quand on la fait à partir du système terminologique proposé par H. Clémençon [1, 6-7] (Tableau 2).

 

Tableau 1 – Le système mitique de Corner

Le système mitique a été développé en 1932 par Corner qui a fait la première description précise de la morphologie et de l’organisation des hyphes des polypores (dans Pirlot [4]). Il distingue 3 types d’hyphes selon leurs septa, leurs ramifications et leurs parois

  1.  Les hyphes génératrices : elles sont septées, bouclées ou non, à paroi mince et ramifiées. Leur paroi peut s’épaissir, mais elles gardent des septa et des boucles, si elles sont présentes. Elles donnent naissance aux autres hyphes de l’hyménium.
  2.  Les hyphes de support ou hyphes squelettiques : elles sont rarement septées, à paroi épaissie et non ramifiées.
  3.  Les hyphes ligatives : elles sont rarement septées, à paroi épaissie, très ramifiées, emmêlées et de croissance limitée.

À partir de cette description des hyphes, Corner distingue trois systèmes mitiques :

  • Système monomitique: ne comprend que des hyphes génératrices
  • Système dimitique : comprend des hyphes génératrices et squelettiques ou ligatives
  • Système trimitique : comprend des hyphes génératrices, squelettiques et ligatives

 

Tableau 2 – La terminologie de Clémençon

  • Hyphe indifférenciée
    • Dans le mycélium   = hyphe végétative
    • Dans le basidiome  = hyphe génératrice
  • Hyphe différenciée
    1. Hyphe sclérifiée
      •  Hyphe squelettique (hyphe fibreuse)
        • Hyphe squeletto-ligative
      • Hyphe ligative (hyphe conjonctive, hyphe liante, hyphe collective)
        • Hyphe de type Bovista
      • Hyphe de support (hyphe squelettoïde, hyphe génératrice à paroi épaissie).
    2. Hyphe de stockage
    3. Hyphe physaloïde (hyphe fondamentale de Fayot)
      • acrophysalide 
      • sphérocyte
      • sphérocyste
    4. Hyphe gélifère
    5. Hyphe sécrétrice (son cytoplasme modifié s’appelle un deutéroplasme)
      • hyphe hydroplère
      • hyphe hétéroplère
        • hyphe gléoplère
        • hyphe laticifère
      • hyphe thromboplère

Selon le système de classification des hyphes de Clémençon, le contexte de H. americanum est formé d’hyphes indifférenciées et d’hyphes différenciées (voir Fig. 2).

Ses hyphes indifférenciées sont des hyphes génératrices septées, parfois bouclées, parfois ramifiées à paroi mince. Ses hyphes différenciées sont de trois types : 1- des hyphes physaloïdes, 2- des hyphes sclérifiées du type hyphes de support, septées, parfois bouclées, aussi appelées hyphes squelettoïdes ou hyphes génératrices à paroi épaissie, 3- des hyphes sécrétrices du type hyphes gléoplères, qui sont des hyphes hétéroplères à contenu granuleux qui n’exsudent pas de latex. (Fig. 2 et Fig. 9)

 

Fig-3
Fig. 2- Exemples d’hyphes de la chair d’Hericium americanum : hyphes indifférenciées (génératrices, à paroi amincie, flèches jaunes) ; hyphes différenciées (physaloïde, turgescente, flèche rouge;  sclérifiée, de support, flèche verte) ©Guy Fortin

 

 

L’hyménium

La surface fertile, l’hyménium, qui produit les spores, est située sur le pourtour des aiguillons (Fig. 3). Elle est constituée d’une palissade formée de basides tétrasporées, de basidioles et de gléocystides. (Fig. 4-7)

Fig. 3- Coupe transversale d’un aiguillon d’Hericium americanum montrant le contexte et la palissade hymémiale circulaire. ©Guy Fortin

 

 

La chair

Dans la chair, le contexte est formé d’un enchevêtrement d’hyphes (Fig. 8) alors que dans les aiguillons les hyphes deviennent subparallèles (Fig. 9).

 

La sporée

La sporée est blanche. Les spores sont globuleuses à subglobuleuses, lisses ou très finement rugueuses, amyloïdes. Me = 5,9 × 5,4 µm ; N = 35 (Fig. 10 et 11).

 

 

Glossaire

  • Anse d’anastomose : voir Boucle d’anastomose et Anse dangeardienne  
  • Anse dangeardienne : autre nom des boucles d’anastomose, décrites, entre autres,  par le mycologue français Pierre Clément Augustin Dangeard (1862-1947). Voir Boucle d’anastomose 
  • Basidiome : structure qui supporte l’hyménium produisant les basidiospores. Voir Sporophore
  • Boucle d’anastomose : petite structure latérale recourbée qui relie deux articles, au niveau du septum. On parle alors d’hyphe bouclée
  • Hyphe : mot d’origine grecque huphê (ὑφή) qui signifie tissu, filament
  • Hyphe de support : appelée aussi hyphe squelettoïde ou hyphe génératrice à paroi épaissie. Ces hyphes diffèrent des autres hyphes sclérifiées par la présence de vrais septa, qui ont parfois des boucles (anses d’anastomose). Elles diffèrent des hyphes génératrices par leur paroi épaissie et par leur fonction de support des basidiomes, comme le font les autres hyphes sclérifiées.
  • Hyphe génératrice : hyphe vivante, nucléée, septée, parfois bouclée, à paroi mince, qui constitue le tissu de base des basidiomes des champignons. Appelée hyphe végétative dans les mycéliums
  • Hyphe gléoplère : voir Hyphe hétéroplère
  • Hyphe hétéroplère : hyphe rarement septée, non ramifiée, à paroi épaisse. Le deutéroplasme est fait de gouttelettes ou de fins granules en suspension dans le cytoplasme ou dans un liquide d’apparence huileuse. Lorsque, suite à une rupture de la paroi, le deutéroplasme s’écoule, on parle d’hyphe laticifère; si le deutéroplasme ne s’écoule pas, il s’agit d’hyphes gléoplères
  • Hyphe indifférenciée : hyphe qui constitue le matériel de base de tous les champignons
  • Hyphe laticifère : voir Hyphe hétéroplère
  • Hyphe squelettoïde : voir Hyphe de support
  • Plectenchyme : contexte ou chair de tout champignon
  • Plectologie : étude du contexte (plectenchyme) des champignons, tout comme l’étude des tissus des animaux est appelée histologie
  • Sporophore : structure portant les spores chez les champignons supérieurs. Terme qui remplace : appareil fructifère, fructification, carpophore et sporocarpe

 

 

Références

  1. Clémençon, H. (2012). Cytology and Plectology of the Hymenomycetes (2e éd.). Stuttgart: J. Cramer
  2. Largent, D., Johnson, D., Watling, R. (1977). How to Identify Mushrooms to Genus III: Microscopics Features. CA, É.-U.: Mad River Press Inc.
  3. Moreau, P.-A. (2012). Hyphes et structures chez les Basidiomycota. Adapté de la séance de travaux pratiques de la SMNF, Lille, 10 juin 2012.
  4. Pirlot, J-M. (1997). Mitisme des Polypores.  Historique, description et difficultés. Cercle des Mycologues du Luxembourg belge.
  5. Glossaire mycologique de Mycoquébec : Mycoquebec.org (16 mai 2017)
  6. Fortin, G., Paquin, J. (2015). Histoire d’hyphes I. Le Blogue Mycoquébec
  7. Fortin, G., Paquin, J. (2015). Histoire d’hyphes II. Le Blogue Mycoquébec

 

 

Merci à Jacqueline Labrecque pour la permission d’utiliser ses photographies et à Roland Labbé et Jacques Landry pour leurs conseils et lectures critiques.

 

 

 

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